(Article originellement publié dans le Journal du Net)
Résumé : Le digital en points de vente est le nouvel espace à conquérir, pour des stratégies d’enseignes cross-canal performantes. En confrontant l’expérience client vécue en magasin aux objectifs visés par l’enseigne, le digital peut ainsi venir « augmenter » les possibilités du magasin de répondre à ces objectifs. Le succès réside dans l’alignement de l’exécution et du business, au-delà des effets d’annonce qui ne dépassent pas le magasin pilote. Car le digital peut également « diminuer » le magasin, si l’expérience client finale s’en trouve appauvrie: c’est un investissement exigeant où l’homme et la technologie doivent se compléter et non s’opposer pour un ROI positif.
En confrontant l’expérience client vécue en magasin aux objectifs visés par l’enseigne, le digital peut ainsi venir « augmenter » les possibilités du magasin de répondre auxdits objectifs.
Le digital en points de vente est le nouvel espace à conquérir, pour des stratégies d’enseignes cross-canal performantes.
Le succès réside dans l’alignement de l’exécution et du business, au-delà des effets d’annonce qui ne dépassent pas le magasin pilote. Car le digital peut également « diminuer » le magasin, si l’expérience client finale s’en trouve appauvrie: c’est un investissement exigeant où l’homme et la technologie doivent se compléter et non s’opposer pour un ROI positif.
Après avoir opposé web et e-commerce aux magasins physiques, les distributeurs et enseignes à réseau investissent aujourd’hui le digital dans les points de vente, tel un dernier espace « vierge » à conquérir. En ligne de mire, la volonté de rentabiliser les investissements physiques et en ligne tout en créant une expérience cross-canal sans couture pour les consommateurs. Comment le digital peut-il « augmenter » réellement les potentialités d’un magasin et dans quelles conditions de succès ?
Quels enjeux se jouent en magasin ?
Face au ralentissement du taux de croissance de l’e-commerce d’une part, qui en limite à la fois les perspectives et la menace, et aux taux de transformation sur le web qui restent beaucoup plus bas que dans le retail physique (par exemple dans le prêt-à-porter, « le taux de transformation […] avoisine 1,5% sur Internet contre 15% en boutique » selon Frédéric Wilhelm, directeur de la distribution multi-canal de Morgan), le magasin revient en force sur le devant de la scène.
Mais le magasin d’aujourd’hui n’est plus le même que le magasin d’avant Internet. L’e-commerce a fait exploser les limites géographiques et avec elles les zones de chalandise, l’univers concurrentiel et le niveau de prestations et de service attendus par les clients. Des fondamentaux du commerce tels que l’offre, le prix, le service, ou encore la proximité doivent donc être réinterprétés à la lumière de ces nouveaux « benchmarks ». Plus que jamais, le magasin n’est plus un simple point de vente, mais un concentré de l’univers de la marque/enseigne. De la vitrine à la caisse en passant par les rayons, les murs et les diverses zones d’un magasin, les opportunités d’influence de la clientèle et d’interaction avec elle sont nombreuses et questionnent les choix d’investissement à faire ou à ne pas faire, car tout est rarement possible…
Si la question fondamentale, « pourquoi venir en magasin ? » est la même pour toutes les enseignes, la réponse peut et doit même être différente selon les secteurs et les marques, selon les critères de décision des clients et des stratégies différenciées des uns et des autres. Quelles options s’offrent à elles pour le digital en magasin, et pour quels objectifs ?
Quelles possibilités pour le digital in store ?
Le digital en magasin a longtemps été et reste souvent abordé d’abord sous l’angle de l’équipement matériel ou des possibilités techniques: écrans ? Bornes ? Tablettes ? Téléphones mobiles ? Avec ou sans connexion Internet ? etc.
Or si l’équipement est fondamental, c’est l’objectif recherché qui doit primer dans la réflexion, ne serait-ce que pour estimer correctement le ROI recherché, un objectif d’image ou de relation client ne s’estimant pas de la même manière qu’un objectif de ventes additionnelles !
De la vitrine extérieure à la sortie de caisse, un magasin peut répondre à de nombreux objectifs commerciaux mais aussi de communication, de marketing et de relation client : notoriété et image de la marque et de son offre, expérience et univers de marque, intérêt et considération des produits/services, essai/évaluation des produits, achat bien sûr et assistance à l’achat, service après-vente, formations à l’usage, services complémentaires, et en transversal lien client et fidélisation.
En confrontant l’expérience client vécue en magasin aux objectifs visés par l’enseigne, le digital peut ainsi venir « augmenter » les possibilités du magasin de répondre à ces objectifs, soit en palliant à un manque (de personnel, d’espace, de stocks…), soit en poussant encore plus loin les forces spécifiques de l’enseigne sur certaines dimensions (service, conseil, offre…). Illustration avec quelques exemples :
– En vitrine ou à l’extérieur du magasin : diffusion d’informations , de films ou de dispositifs interactifs autour de l’offre pour inciter davantage à rentrer, diffusion d’informations ou écrans interactifs pour « étendre » l’activité en dehors des heures d’ouverture du magasin, diffusion d’informations promotionnelles mises à jour en temps réel, dispositifs événementiels (type réalité augmentée par exemple) pour inciter à l’arrêt, à l’information ou à but d’image, envoi de SMS géolocalisés à proximité du magasin…
– En rayons : vidéos de démos à côté de produits sophistiqués ou techniques, configurateurs tactiles ou d’aide au choix, étiquettes digitales mises à jour en temps réel avec le stock disponible par exemple, PLV avec écrans et dispositifs de mesure d’audience en têtes de gondole, écrans connectés au site e-commerce pour commander les produits manquants (ex. bornes connectées King Jouet), écrans connectés à Internet pour visualiser des avis consommateurs…
– Sur les murs : diffusion d’images ou de films publicitaires liés à l’univers de marque (ex. Burberry flagship store à Londres, Uniqlo avec plus de 1000 écrans installés dans ses différentes boutiques dans le monde), d’informations générales sur l’offre et les services, sur les nouveaux produits…
– En cabine d’essayage : informations sur les produits disponibles en stock (coloris, tailles etc. pour les vêtements par exemple), et au-delà de la cabine elle-même, dispositifs d’incitation à l’essai d’un produit, comme des cabines d’essayage virtuelles ou des systèmes d’essai en 3D / réalité augmentée…
– En caisse ou aux guichets d’information : diffusion de contenu d’information ou de distraction pour gérer le temps d’attente, d’infos ou de conseils produit pour cross-sell/upsell, d’infos sur le service pour fidélisation, d’infos sur les modalités et facilités d’achat, sur les avantages du SAV…
– SAV ou zones d’information : bornes connectées à un service distant de conseil expert ou de télé-conseillers pour pallier le manque de personnel ou répondre à des questions sophistiquées
– Equipement des vendeurs (tablettes, ordinateurs tactiles, smartphones…) : catalogues interactifs pour visualiser l’ensemble de l’offre, configurateurs et éléments d’aide au choix, infos stock et disponibilité des produits, infos client (données CRM : historique et comportements d’achat, préférences…), démos et tutoriaux…
– Equipement des clients : des dispositifs qui permettent aux clients équipés de téléphones mobiles d’interagir avec le magasin (scan de codes, équipements NFC, reconnaissance d’image, surfaces tactiles…)
Quelles conditions de succès ?
Tout comme il peut « augmenter » un magasin, le digital peut le « diminuer », si en fin de compte l’expérience client s’en trouve appauvrie au lieu d’être enrichie. Le self-care ou self-service par exemple, consistant à remplacer un service humain par une machine (caisse où on peut s’enregistrer soi-même, guichets interactifs, etc.) peut à la fois être perçu positivement par des cibles jeunes ou pressées, et négativement par des cibles attendant un service humain et personnalisé. La clé du succès et du juste ROI réside donc dans l’adéquation entre la stratégie de l’enseigne, sa cible de clientèle et les choix digitaux mis en œuvre. La technologie étant facilement copiable en tant que telle, ce n’est qu’en servant la promesse spécifique de l’enseigne que le ROI est garanti, qu’il soit un ROI d’image, de relation client ou de ventes additionnelles.
Un audit de 71 enseignes digitalisées réalisé récemment par Sapient Nitro aux Etats-Unis met en lumière les conditions suivantes pour réussir un projet de digital in store :
– L’alignement des objectifs du « digital in store » avec ceux du magasin:
Autrement dit : si on retire le digital du magasin, est-ce que cela change quelque chose à l’expérience consommateur ou à son panier ? Le digital en magasin doit être pensé pour être utile au client et l’aider à atteindre son but, pas pour simplement occuper l’espace, distraire le client de son but voire le repousser.
– L’alignement avec la stratégie de marque, notamment cross-canal:
Penser le magasin comme un élément de la stratégie digitale et cross-canal, pas comme un silo séparé, ce qui sous-entend une connexion entre la stratégie commerciale et de communication d’une part, et la logistique et l’informatique d’autre part.
– La qualité de l’exécution:
Un équipement qui fonctionne, des applications mobiles de scan connectées à la base de données produits, des vendeurs informés qui n’empêchent pas les clients d’utiliser leur téléphone mobile en magasin, ou qui sont bien formés aux nouveaux outils (My Sephora…), cela semble être un minimum. Pourtant, de nombreux projets digitaux aujourd’hui sont défaillants dans leur réalisation et deviennent des repoussoirs client plutôt qu’une source d’attraction ou d’aide.
– Une stratégie de contenus:
Un équipement qui fonctionne avec deux vidéos qui tournent en boucle, c’est vite lassant. Quid des différents types de contenus à diffuser : images et vidéos, infos produits, infos services, historique produits, actualité promo, etc ? Quid du renouvellement de ces contenus et de leur séquencement ? Quid de la dimension logicielle de mise en avant de ces contenus, pour adapter les fonctionnalités et le type d’interactivité à l’expérience spécifique en magasin (vs au domicile) ?
L’adage « Retail is detail » est encore plus vrai quand il s’agit de digital, et s’il fallait choisir, mieux vaut une absence de digital qu’un digital mal exécuté. Comme pour les projets web et mobile, réussir ce genre de projets est un processus continu d’expérimentation, d’observation du terrain, d’analyse et d’intégration des retours d’expérience. Le ROI obtenu se mesure autant par les gains réalisés que par la diminution des opportunités perdues par manque de personnel, de disponibilité, d’informations ou de stocks. Ce qui démontre encore une fois qu’au-delà du digital, c’est la synergie des différentes actions de communication et de commerce qui est le vrai sujet, et que le sujet digital ne fait que révéler sa qualité ou son absence.
Quand le retail physique représente 80% à 90% des ventes d’un secteur, peut-on vraiment se dire que l’investissement n’en vaut pas la peine ?