Retours d’expérience de l’Adobe DPS Symposium Londres, 6 novembre 2014
3/4: Les entreprises deviennent des éditeurs de contenus
Le 6 novembre dernier, j’ai eu l’occasion de participer à l’Adobe DPS Symposium de Londres, réunissant décideurs digitaux d’annonceurs et d’agences autour de clients et partenaires d’Adobe venus partager leurs retours d’expérience.
Etant à mon troisième DPS Summit (vous pouvez retrouver les compte-rendus des sessions précédentes, Paris 2013 Paris et Paris 2012 sur ce blog), je me suis surtout intéressée cette fois-ci aux tendances émergentes en matière de publication avec Adobe DPS qu’on pouvait retenir de cette journée, en comparaison des témoignages des sessions précédentes et également grâce aux interviews que j’ai pu avoir avec Mitch Green, directeur du Développement Produit d’Adobe DPS, Klaasjan Tukker, responsable de la Customer Sales Enablement Team EMEA, et Cristina Alovisetti, Directrice du Museo Nacional Del Prado Difusion. Les représentants d’Adobe sont parfaitement corporate et il n’est pas évident d’en obtenir beaucoup d’éléments chiffrés ou d’informations stratégiques, c’est donc à mon interprétation personnelle que vous serez en partie soumis !
Les 4 arguments suivants me paraissent résumer les expériences partagées:
1. La disruption mobile ne fait que commencer: le mobile s’est imposé dans les usages des consommateurs, il s’impose de manière croissante dans les usages internes des entreprises et reste au cœur des tendances d’usage émergentes.
2. La disruption mobile impose de nouveaux modes organisationnels et de fonctionnement aux entreprises, et par conséquent impose une nouvelle approche de développement et de gestion de ces projets.
3. Les entreprises deviennent des éditeurs de contenus: Adobe DPS ayant été originellement conçu pour les éditeurs de presse, son adoption pour la Communication Corporate se fait assez naturellement, par un champ toujours plus vaste d’organisations. (Cf article ci-dessous).
4. Mais les entreprises ne sont pas que des éditeurs de contenus: les nouveaux usages développés par les entreprises élargissent considérablement le champ des possibilités et alimentent la stratégie de développement de DPS, notamment dans le support des ventes.
Chacun de ces 4 points est développé dans un article séparé, le troisième étant ci-dessous.
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3. Les entreprises deviennent des éditeurs de contenus
Adobe DPS ayant été originellement conçu pour les éditeurs de presse, son adoption pour la Communication Corporate se fait assez naturellement, par un champ toujours plus vaste d’organisations.
3 retours d’expérience illustrant cette catégorie de projets ont été partagés lors du Symposium : par le Museo del Prado Difusion, par Allianz et par l’agence Zephyr pour le WTO (World Trade Organisation). En tant que telles, les applications réalisées ne présentent pas de nouveautés techniques particulières par rapport à des exemples partagés lors des séminaires précédents, mais il est intéressant de constater que des organismes tels que des musées, des institutions internationales et financières rejoignent l’univers des éditeurs mobiles en y rentrant par la grande porte, eu égard à l’audience qu’ils arrivent à capter, et leurs choix techniques et créatifs n’y sont probablement pas étrangers.
Retour d’expérience de Cristina Alovisetti, Directrice du Museo Nacional Del Prado Difusion, et de Fernando Gutierrez, designer partenaire du musée et garant de son identité graphique
Contexte et enjeux
En 2007 le Prado inaugure une nouvelle aile moderne, et de manière concomitante les changements législatifs imposent aux musées de prendre en charge une partie de leur financement, ce qui amène à la création d’une société en charge de l’exploitation de l’image et des contenus du musée, et dont 95% des bénéfices sont reversés à ce dernier.
Avec 2,5 millions de visiteurs par an, plus du double sur le site internet, et une vaste audience mondiale potentielle notamment dans tous les pays hispanophones en Amérique Latine, le potentiel de développement sur mobile n’est pas à démontrer, d’autant plus que le catalogue imprimé du musée, qui n’a cessé d’évoluer depuis sa première édition en 1819, pèse plus d’1kg ! Mais le Prado a une identité forte et une stratégie éditoriale de valorisation respectueuse des collections, en particulier des tableaux phares dont les Ménines sont le plus illustre exemple, qui ne doivent pas pâtir de tout développement hâtif ou hasardeux.
Choix stratégiques
Très vite la solution d’Adobe s’impose comme seule capable de gérer toutes les contraintes de restitution qualitative des images et d’intégrer en une seule application les 9 versions de langues différentes.
Pour garantir la continuité de l’identité graphique, Fernando Gutierrez, designer partenaire du musée, est associé au projet, et une agence locale de publication, Moonbook s.l. prend en charge le développement sur DPS.
L’application intègre 400 images optimisées pour un visionnage en haute définition, avec les collections organisées de manière chronologique selon les différentes écoles. Les textes sont rédigés par des historiens de l’art et des curateurs du musée. Certains tableaux sont également visibles de dos, ce qui n’est pas possible dans le musée, et 50 tableaux sont proposés en version élargie.
L’application est payante, d’un prix initial à 9,99€ elle est passée à 5,99€ aujourd’hui. Sans communiquer ses chiffres, Cristina Alovisetti semble satisfaite du résultat, la rentabilité de la solution ayant été au rendez-vous au bout de 3 versions.
La promotion se fait au sein du musée et de la boutique, le wifi ayant d’ailleurs été installé à l’intérieur du café pour permettre le téléchargement sur place. Des t-shirts pour promouvoir l’application sont également portés par le personnel.
La possibilité de Preview gratuite a été utilisée au lancement, ce qui a aidé à la notoriété de l’application qui a bénéficié d’une large couverture médiatique en Espagne. Retirée ensuite, elle est réutilisée ponctuellement, au lancement des versions chinoise et japonaise par exemple.
Caractéristiques techniques et de production
– Multi-folio app, disponible sur l’App Store (13MB) et dans Google Play (26 MB).
– Chaque folio / version de langue contient : contenus de la version imprimée 250 MB + contenu supplémentaire spécifique (50 tableaux élargis 450 MB, tableaux associés 25 MB, 5 parcours/routes 75 MB).
– Ce qui donne un poids total de l’application de 800 MB optimisés pour diverses versions d’iOS, et de 600 MB optimisés pour diverses versions d’Android.
– Délais de développement :
5 semaines pour le premier master
2 semaines par langue européenne
3-4 semaines / version pour le japonais, le russe et le chinois
Perspectives à venir
Cristina Alovisetti et son équipe ont été agréablement surpris par le succès rencontré par l’application, qui s’inscrit aussi dans la tendance d’ouverture plus large au public que les musées européens prennent depuis qu’ils sont obligés d’assurer une partie de leur financement. Ce succès crée néanmoins une obligation réciproque de maintien permanent de l’application, avec des mises à jour régulières pour garder le support et la relation actifs et vivants.
L’opportunité de communiquer plus directement et pro-activement avec les utilisateurs, en créant une sorte de programme CRM, apparaît donc comme une suite logique, actuellement à l’étude. Par contre C. Alovisetti élimine toute vélléité de commerce in-app, qui ne serait pas du tout adapté à l’esprit du musée.
Les autres opportunités d’exploitation qu’elle envisage sont liées à l’univers de l’éducation. Actuellement le catalogue du musée est utilisé par les enseignants pour préparer des visites scolaires, et la création de supports digitaux beaucoup plus adaptés apparaît comme un champ intéressant à explorer.
Le tout dans un contexte de marché espagnol où le piratage fait rage, ce qui ne simplifie pas la tâche des éditeurs monétisant leurs applications.
Retour d’expérience d’Allianz Magazin et du WTO (par l’agence Zéphyr)
Les 2 autres exemples partagés en matière de Communication Corporate sont classiques dans leur réalisation pour qui connaît bien les fonctionnalités d’Adobe DPS et l’enrichissement permis par rapport à une version imprimée.
Allianz a recruté un ancien journaliste pour la création de son magazine d’entreprise 1890, qui se veut une publication très qualitative et absolument pas commerciale. Le magazine n’existe qu’en version allemande aujourd’hui, mais est disponible sur l’App Store pour qui voudrait en visionner quelques exemplaires.
Côté WTO, l’enjeu est plus considérable car il s’agit de l’édition du rapport annuel de l’organisation mondiale, qui regroupe 160 pays membres et touche une grande diversité d’audiences avec des motivations différentes.
L’édition PDF 2013 a été téléchargée 1 500 000 fois, d’où la nécessité d’une solution mobile à la fois qualitative et robuste, qui réponde aux objectifs du WTO d’élargir continuellement son audience tout en lui donnant une plus grande satisfaction d’usage et de proximité, devant se traduire par davantage d’engagement.
10 semaines ont été nécessaires à la mise en œuvre du projet, qui s’est déroulé en parallèle de la version imprimée. L’application devait être multi-plateforme, et utilisable en mode déconnecté.
Quelques résultats intéressants issus des statistiques intégrées à l’application :
– Le nombre de téléchargements est encore très limité vs la version PDF ou imprimée, mais en croissance sur un an : 2664 en août 2014 vs 479 en août 2013
– 92.5% des utilisateurs ont téléchargé l’application sur iPad, suivis de 2.5% sur Google Nexus
– 20% des lecteurs sur Androïd sont en Inde
– Temps moyen de lecture par utilisateur (août 2014) : 5 min 14 sec
– Top pays européens : UK, Russie, Suisse, Italie
– Top pays Asie Pacifique : Chine, Corée du Sud, Australie
Pour le WTO c’est une première étape fondamentale avant d’autres évolutions, car avant d’élargir leur audience il leur était nécessaire de mieux connaître leur audience actuelle et la traçabilité d’usage des applications sur tablette leur ouvre des possibilités inexistantes auparavant.
Ces 3 retours d’expérience sont donc intéressants par la variété plus grande des profils des organismes éditeurs qu’ils illustrent, mais côté usages et fonctionnalités ils n’apportent rien de particulièrement nouveau car ils s’inscrivent dans la stricte continuité d’usages pour lesquels DPS a été conçu.