Je rencontre de très nombreuses start-ups dans le cadre de mon activité, et prends rarement le temps d’écrire sur elles, pourtant certaines méritent qu’on s’y attarde, et parfois leur histoire est aussi éclairante et intéressante que leur produit. Search’XPR est de celles-là!
Search’XPR est une start-up fondée par 2 jeunes entrepreneurs de 50 ans, Jean-Luc Marini et Olivier Figon. Elle se positionne sur le champ de la « sérendipité », l’heureuse découverte imprévue et impromptue qui vous fait agir parce qu’elle arrive au bon moment : celle qui vous fait acheter sur un site e-commerce, ou passer plus de temps sur un site de contenus, ou régler des problèmes par des solutions inenvisagées classiquement.
Son champ d’applications est tellement vaste, et son impact tellement concret et facilement mesurable que la société n’en est encore qu’aux débuts de sa stratégie commerciale, davantage en mode expérimental qu’en mode industriel. De Pêcheur.com à l’aéroport de Shanghaï, le monde ne manque pas de clients et de problèmes à résoudre pour qui veut changer sa « base installée » de comportements et de prestataires et n’hésite pas à tester Search’XPR, car c’est en pratiquant la solution qu’elle révèle rapidement toute sa valeur ajoutée.
Illustrons son usage dans le secteur du e-commerce, par exemple, où se situent ses premiers clients, dont Pêcheur.com qui collabore avec eux depuis un an. Contrairement à tous les prestataires actuels qui cherchent tous à améliorer le taux de transformation d’un site en diminuant le taux d’abandonistes (~20% en moyenne), Search’XPR s’attaque à un gâteau plus grand et tout à fait négligé : les 75 à 80% « d’abandonnés », c’est-à-dire tous ceux qui viennent sur le site mais le quittent sans être passés par la case panier. Le retour d’expérience de Pêcheur.com montre 3 impacts de la solution sur cette population :
- Une augmentation du taux de transformation général du site de +4 à 5%
- Une augmentation du panier moyen, à travers l’acquisition de produits additionnels plus chers que la moyenne du panier sans Search’XPR, c’est-à-dire de l’upsell
- Une plus grande rotation et vente de produits de la longue traîne
Comment ça marche ???
La solution repose sur des heuristiques (#algorithme), qui en fonction de différents paramètres identifiés, vont pousser des solutions différentes pour un même individu.
Elle repose sur la thèse de recherche de Jean-Luc Marini, qui cherchait à modéliser cette fameuse sérendipité en se demandant s’il était possible d’en créer les conditions et ne pas la laisser au seul hasard. La programmation de ces heuristiques relève de connaissances en sciences cognitives (le principe des ancres cognitives), mais également en sciences de l’information, dont je serai tout à fait incapable de vous expliquer plus en détail le fonctionnement. Ce que j’en ai compris, pour vulgariser très grossièrement, est que l’être humain, en se promenant sur un ou plusieurs sites, laisse beaucoup d’indications sur son état d’esprit, que ces heuristiques arrivent à détecter : selon le temps passé, les contenus vus, la rapidité de navigation, le rythme de navigation (saccadé et rapide, ou lent et détendu…), la solution arrive à identifier si vous êtes dans un état d’esprit plutôt positif ou négatif, si vous êtes disponible ou pressé, et selon les contenus que vous avez vus, arrive à les associer à des « ancres cognitives » qui donnent des indications sur la manière dont vos champs d’intérêt sont associés dans votre esprit.
En fonction de toutes ces indications, la solution de Search’XPR, dénommée Oorace pour le e-commerce, va afficher dans un viewer (fenêtre pop-up) des produits que vous ne pensiez pas acheter, qui ne correspondent pas directement à vos besoins consciemment exprimés, mais qui poussés au bon moment vont provoquer un achat d’impulsion, et généralement à un prix moyen supérieur au reste des produits de votre panier. Le tout, sans que vous ayiez envie de rendre le produit juste après l’avoir acheté…
Pour tester la solution, rien de plus simple : il y a des tags à installer, le modèle économique est à la performance, et elle ne se positionne pas en concurrence mais en complément des solutions de transfo existantes… Aucune raison de ne pas essayer !!
Comment la solution a-t-elle été conçue ?
L’histoire en elle-même est digne du plus joli coup du hasard, car elle est le fruit inattendu de la rigidité du système universitaire français… Jean-Luc Marini, alors patron d’entreprise et professeur associé en mathématiques à l’IAE Lyon, se voit conseiller de passer sa thèse car il n’était pas docteur alors que ses élèves eux l’étaient de plus en plus souvent. A quarante ans passés et après autant d’années de bons et loyaux services, bien nombreux auraient été ceux qui auraient balayé cette idée du revers de la main, mais Jean-Luc Marini s’y colle et s’attaque au sujet de la sérendipité.
Trois semaines après la publication de sa thèse, il sollicite son ami de longue date Olivier Figon, patron d’entreprise basé à Shanghaï à ce moment-là, pour l’aider à répondre à un message insistant en anglais qu’il reçoit pour la troisième fois. Le message venait… du VP Monde de la R&D de Google ! Quelques jours plus tard, re-belote : message similaire du patron de la R&D de Yahoo ! Là, les deux amis commencent à s’interroger, et Olivier Figon étant bien implanté à Shanghaï, se dit qu’il pouvait être opportun de tester l’intérêt côté Chine, pour voir si ça déclenchait les mêmes réactions. Ni une ni deux, les deux amis se retrouvent chez Baïdu, qui propose 6 millions de dollars à la fin de la réunion à Jean-Luc Marini pour rester en Chine et développer pour eux la solution imaginée dans sa thèse… Car il faut dire qu’aucun algorithme n’avait été encore développé!
Titillés par autant d’intérêt, les deux amis rentrent en France, déclinent poliment les diverses sollicitations, et décident de se lancer eux-mêmes dans l’aventure, en mettant de côté leurs entreprises existantes, en mettant leurs économies sur la table, et en s’attaquant à des marchés qu’ils ne connaissaient absolument pas par ailleurs…
La suite leur fait rencontrer Oseo qui comprend le potentiel de la solution et les aide dans leur financement d’amorçage, et plus tardivement et au fur et à mesure un actionnaire minoritaire chinois puis Alain Laidet, fondateur du salon E-commerce devenu Business Angel, car les fonds « classiques » ne se mouillent pas dans l’aventure, et pour cause : invention potentiellement disruptive, donc risque, donc pas de garantie de retour sur investissement ! (dans le mot capital-risque, vous voyez un mot de trop ?)
Aujourd’hui l’équipe compte une douzaine de personnes, et vient de lancer une autre application de sa solution, dans le domaine de l’email retargeting, toujours basée sur le même principe : vous proposer de revenir sur le site acheter le produit d’impulsion qu’on vous a proposé auparavant, mais auquel vous n’avez pas cédé tout de suite.
La solution peut s’appliquer également à de nombreuses autres demandes, l’aventure n’en est qu’au début, avec l’ambition de passer un cap en matière de commercialisation dans les 2 ans à venir…
A suivre et à tester !