Le Liban est un tout nouveau venu sur la scène high-tech internationale : son premier fonds d’investissement y a vu le jour en 2008, et les success stories entrepreneuriales s’y comptent encore sur les doigts de la main.
Pourtant, l’ancienne Suisse du Moyen-Orient, frontalière de la Silicon Wadi israélienne, ne manque pas d’atouts pour émerger à l’échelle régionale des pays arabes, voire internationale. Quels sont-ils, et quel intérêt présentent-ils également pour les entrepreneurs et investisseurs étrangers ?
Dans cet entretien, nous rencontrons Joseph El Khoury, co-créateur de l’application Keefak, et fondateur de la start-up Dash Tag.
Transcription complète de l’interview:
Youmna Ovazza: Bonjour, je suis aujourd’hui au Liban, près de Beyrouth, avec Joseph El Khoury, fondateur de la start-up Dash Tag et co-créateur de l’application Keefak, et nous allons parler ensemble d’innovation digitale au Liban.
Marhaba Joseph, Keefak?
Joseph El Khoury: Ca va très bien, merci! Bienvenue au Liban!
YO: Merci! Avant de te poser quelques questions autour de l’innovation digitale au Liban et de ce qui s’y passe, est-ce que tu peux commencer par nous présenter un peu en détail ton parcours à toi, pour voir comment tu es devenu entrepreneur, comment tu as créé l’application Keefak, que tu nous la présentes, et ton activité aujourd’hui; puisque je propose après que du coup, on se base aussi sur ton expérience et ton témoignage d’entrepreneur pour parler un peu de ce qui se passe en ce moment au Liban en termes de start-ups et d’innovation.
JEK: Bien sûr, bien sûr. Tout a commencé au fait, j’ai suivi mes études au Liban, à l’université Saint-Joseph, j’ai fait 4 ans de télécommunications, donc suite à ma quatrième année j’ai été accepté en France, à Paris, dans une école d’ingénieurs en informatique, l’Epita, et donc j’ai voyagé en 2011 pour suivre mes 2 années d’études là-bas. Dès que je suis arrivé là-bas, il y avait déjà mon frère qui était installé à Paris depuis à peu près 10 ans, et il a eu une idée d’une application en fait.
C’est quand sa petite fille est née, qu’il s’est demandé comment lui apprendre à parler libanais. Et donc il a eu l’idée de créer une application, il est venu vers moi, il m’a demandé si j’étais capable de développer une application.
A ce moment-là, j’étais déjà intégré dans mon école, et j’avais commencé à avoir des cours de développement d’applications, je lui ai dit « Oui bien sûr, pourquoi on ne fait pas ça! », et donc on avait tout ce qu’il faut pour commencer, il nous fallait juste le contenu. A ce moment-là, on a rencontré Antoine Fleyfel, qui a étudié la philosophie, et a en même temps rédigé des bouquins qui apprennent la grammaire et la conjugaison libanaises. Donc on a parlé avec lui, on a vu s’il était d’accord pour travailler ensemble, et voilà ça a commencé comme ça en 2011, on a lancé l’application Keefak, et donc ça fait à peu près 3 ans…
YO: Oui même un peu plus!
JEK: Non on va dire qu’on a lancé en 2012, ça fait un peu plus de 3 ans, on a pas mal d’utilisateurs.
YO: Tu peux nous donner quelques détails sur le nombre d’utilisateurs, comment ça marche?
JEK: On a à peu près 70 000 téléchargements, qui sont diversifiés dans le monde, donc on n’a pas un seul pays bien précis, l’application peut se télécharger partout dans le monde. Les plus grands acheteurs viennent de France, de l’Amérique et du Canada, et de l’Australie un peu.
En ce moment on essaie d’intégrer un peu le marché brésilien, puisqu’il y a pas mal de Libanais là-bas, il y a environ 8 millions de Libanais. L’application est très simple, elle peut être téléchargée sur Android, sur iPhone ou sur Windows Phone. Elle contient 20 leçons, 2 leçons sont gratuites, et pour avoir les 18 autres leçons, il faut juste payer 5 $, ce qui est rien. Et donc, depuis que j’ai lancé Keefak et dès que j’ai terminé mes études, je suis revenu au Liban, j’ai travaillé pendant 8 mois dans une société de développement d’applications mobiles, et puis j’ai quitté et je me suis lancé tout seul, c’est en 2013 que j’ai lancé ma start-up Dash Tag, on développe des applications mobiles et des sites web, et voilà!
YO: Et vous travaillez pour des clients Libanais, ou à l’étranger, ou pour quel type de clients?
JEK: La plupart de mes clients sont des Libanais, c’est vrai que mon frère aussi m’aide parfois à ramener quelques projets de France, mais en gros le marché est le marché libanais.
YO: C’est pour ça que ça nous intéresse du coup!
JEK: Oui bien sûr. Récemment on a remarqué que, ça fait environ 2 ans, le Liban a commencé à rentrer dans le digital, et dans tout ce qui est applications mobiles, et il fallait profiter de l’occasion pour commencer.
YO: Alors, tu me fais ma transition: du coup, si je te dis innovation digitale au Liban, pour toi, ça fait référence à quoi? A quel type de métiers ou d’activités, quels champs d’application ça recouvre?
JEK: Quand on parle de digital, on parle de tout ce qui est applications mobiles, sites web, social media (Facebook, Twitter, Instagram).
YO: What’s App! J’ai l’impression que c’est assez développé comme usage!
JEK: What’s App, oui surtout au Liban. C’est vrai que quand j’étais en France, je demandais s’ils utilisaient What’s App et ils ne connaissaient pas! Parce que c’est vrai au Liban, comme le coût des forfaits mobiles n’est pas à très bon prix, on cherche toujours les solutions plus économiques, donc c’est pour ça qu’on est tous contents d’utiliser What’s App pour parler gratuitement.
YO: Ce que tu me dis, c’est que les usages digitaux se développent dans l’économie. Est-ce qu’il y a plus particulièrement un univers de start-ups qui se crée aussi, et qui essaient de créer des choses nouvelles dans cet univers?
JEK: Oui, ça devient de plus en plus important au Liban. Je connais personnellement pas moins de 15 incubateurs de start-ups, il y a Berytech, il y a Bader, récemment il y a eu le UK-Lebanon Tech Hub, qui a choisi 41 compagnies, parmi 140 personnes qui ont postulé, et voilà Keefak a été choisie parmi les 41 compagnies, et ils offrent pendant 6 mois un programme de « business », ils nous apprennent comment fonder la start-up, comment recruter, comment travailler sur le marketing et tout ça.
Et à la fin des 6 mois, ils choisissent 15 compagnies qui vont être sélectionnées pour aller à Londres pendant 6 mois aussi, pour rencontrer des investisseurs et essayer d’agrandir leur société. Oui, il y a pas mal d’incubateurs de start-ups, et c’est ce qui nous aide au fait en tant que jeunes Libanais, pour qu’on reste au Liban. Parce que c’est vrai qu’il y a pas mal de jeunes qui voyagent, c’est dommage puisqu’ils excellent à l’étranger, au Liban ils ne peuvent pas le faire pour plusieurs raisons. Ils essaient de nous aider maintenant, et ça commence à se développer petit à petit.
YO: A part les incubateurs, qui sont les autres acteurs de cette transformation digitale du Liban? Est-ce que c’est l’Etat, le gouvernement, est-ce que sont des organismes étrangers, là tu as parlé de l’ambassade anglaise, par exemple, est-ce que tu peux nous donner une idée de tous les types d’acteurs intéressés ou qui investissent?
JEK: En gros, on peut dire que l’Etat essaie d’aider un peu, mais je ne pense pas qu’il fait grand chose, c’est peut-être parce qu’il n’a pas les capacités. Déjà, le premier problème qu’on rencontre est le problème de la vitesse de la connexion Internet. C’est frustrant, on n’arrive pas à travailler à cause de ça. Les grands acteurs sont des sociétés privées, comme Berytech…
YO: D’origine libanaise? Leurs fonds, leur argent, viennent d’où?
JEK: Ils ont des connexions avec pas mal d’investisseurs, des investisseurs libanais mais aussi peut-être des investisseurs arabes, puisque c’est là qu’il y a l’argent. Et donc, ils essaient parfois de ramener un peu d’expertise de l’étranger, dans le cadre du UK-Lebanon Tech Hub, ils ont fait un partenariat avec la Babson College, et ils essaient de nous aider au maximum.
YO: Et quels sont les profils des entrepreneurs? Est-ce que ce sont forcément des jeunes, est-ce que ce sont des gens qui ont forcément fait leurs études à l’étranger et qui reviennent? Parce que ce n’est pas un profil très courant encore au Liban, il n’y a pas tellement cette culture, donc est-ce que tu peux nous donner quelques détails, de ce que tu connais?
JEK: Oui bien sûr. La plupart sont des jeunes, entre 20 et 35 ans, il y a peut-être quelques-uns qui sont plus âgés, mais la plupart sont des jeunes. Ils n’ont pas nécessairement fait d’études à l’étranger, ils peuvent être diplômés du Liban, et donc ils ont envie de se lancer dans le monde de l’entrepreneuriat. Ce n’est pas un monde qui est facile, mais il y a beaucoup de challenges, c’est intéressant, parce qu’on apprend de nouvelles choses, on se lance, on peut faire parfois un grand succès, on va dire.
YO: Est-ce qu’il y a des profils plus spécifiques? Est-ce que c’est plus des ingénieurs, ou des business schools, ou pas forcément? Est-ce qu’il y a des femmes, ou pas beaucoup?
JEK: Puisqu’on parle de digital, la plupart sont des ingénieurs ou des diplômés dans le domaine de l’IT (Informatique, Télécommunications). Il y a pas mal de filles, c’est ce qui est bien aussi, et on peut dire que récemment il y a un jeune Libanais qui s’appelle Jihad Kawas, je ne sais pas si tu le connais, il a 18 ans, il a été choisi parmi je pense 50 étudiants de partout dans le monde, par le créateur de PayPal, qui a offert à chacun des 50 jeunes 100 000 $ juste pour qu’ils quittent l’université et qu’ils travaillent sur leur start-up.
YO: Mais il était basé au Liban?
JEK: Il est basé au Liban, c’est un élève libanais, depuis qu’il est petit il aime un peu jouer, développer des applications, il a appris ça sur Internet, et donc je ne sais pas comment il a fait pour atteindre le fondateur de la société qui lui a offert cette grande somme qui l’a aidé maintenant à se lancer. Il est basé entre le Liban et si je ne me trompe pas, l’Amérique aussi.
YO: Et son application, ou son projet, c’est sur quel domaine?
JEK: C’est une application qui permet d’acheter et de vendre des objets…
YO: Oui, si c’est PayPal, c’est logique! Est-ce que pour toi il y a déjà un fonctionnement en écosystème, c’est-à-dire des gens qui sont complémentaires les uns des autres, qui s’entraident, ou est-ce que tout ça est encore un peu dissocié? Est-ce qu’il y a des événements qui fédèrent cette communauté naissante? Ou ça en est?
JEK: Comme on parlait des incubateurs de start-ups, en général ces mêmes incubateurs organisent pas mal d’événements, par exemple des hackathons, des journées de développement, par exemple ce week-end il y a PeaceHack Beyrouth; donc ils essaient d’encourager les gens à venir, à passer 2/3 jours, ou 48 heures de suite à coder et à travailler et à développer des applications pour qu’ils sortent des projets qui pourraient peut-être marcher et se lancer. Donc oui, il y a pas mal d’événements qui permettent de nous aider à se lancer…
YO: Pour toi, en tant que jeune entrepreneur, quelles sont les opportunités au Liban, dans le high-tech?
JEK: Il y’a pas mal d’opportunités. Ce qui est bien ici, vu que pour la plupart, au début on vit toujours chez nos parents, on a peut-être la possibilité d’essayer de se lancer tout seul. On peut peut-être sacrifier une ou deux années sans salaire, juste pour essayer de lancer notre produit. C’est peut-être plus difficile à l’étranger, puisque peut-être la vie est plus dure si les enfants ne sont pas chez leurs parents. Le seul problème qu’on a ici, c’est le problème de la connexion Internet…
YO: Oui là tu anticipes sur ma question suivante. Du coup pour rester un peu sur les opportunités, qu’est-ce que tu vois d’autre, d’un point de vue économique, sociétal, est-ce qu’il y a des choses qui te paraissent particulièrement intéressantes au Liban? Est-ce que la société est réceptive aujourd’hui à ce genre d’initiatives, ou vous fonctionnez plutôt en vase clos?
JEK: Non non, je pense que la société est tout à fait partante et nous encourage aussi, les jeunes, et c’est la seule solution qui va permettre aux jeunes de rester ici, parce que si on doit parler des choses clairement, un jeune Libanais, s’il va essayer d’être employé dans une société, vu les salaires qui ne sont pas très élevés, ce n’est pas facile. Un jeune ne peut pas fonder sa famille et faire ça tout seul. C’est pour ça qu’on essaie au moins, de se lancer dans l’entrepreneuriat, avant de trouver la solution que la plupart utilise toujours, qui est de voyager, soit à Dubaï, soit en Arabie Saoudite, pour travailler et avoir un peu d’argent.
YO: Et du coup, toutes les difficultés que vous rencontrez? Parce qu’au Liban, il y en a beaucoup! Tu avais commencé par la connexion Internet…
JEK: La connexion Internet, on en a besoin, parce qu’on a besoin de rapidité. Par exemple quand on veut voir un investisseur qui n’est pas au Liban, si on va planifier une conférence sur Skype, parfois au milieu de la conférence il y a l’électricité qui s’en va, et donc on est sans Internet, on ne paraît pas très professionnel! Ils ont peur parfois d’investir dans nos projets quand ils savent qu’on a ces difficultés. Autre que cela, on a la situation politique, quand on va se lancer dans quelque chose, on doit faire attention à ce que les personnes qui travaillent avec nous ne soient pas dans des partis politiques, sinon si on a une étiquette associée à un parti, on va perdre la moitié ou les trois-quarts de notre clientèle.
YO: Et vous avez des facilités à attirer d’autres jeunes? Au début dans une start-up, on n’a pas forcément les moyens de payer ses employés, ou autre, donc on fait beaucoup appel à des stagiaires, ou à des gens qui s’associent, etc… Est-ce que ça marche aussi ici, ou ça n’intéresse pas beaucoup?
JEK: Ca marche aussi avec les jeunes qui sont tout juste diplômés, on essaie de les convaincre pour venir se lancer avec nous, ils font 3 mois de stage et s’ils aiment, ils peuvent devenir partenaires. Et on est obligé de faire ça, parce qu’on n’est pas capable de payer des salaires, donc voilà, on leur propose de donner du temps et on les convainc que le projet qu’on est en train de faire va réussir à cause d’eux, donc ils essaient de donner le maximum de leur temps pour nous aider et pour réussir avec nous.
YO: En ce qui concerne Keefak par exemple, si vous allez être incubés dans cet incubateur, quels sont les objectifs? J’imagine que pour avoir été sélectionnés pour aller à Londres, il y a des objectifs ambitieux, donc quels sont les objectifs que vous visez par exemple?
JEK: Notre objectif principal c’est de trouver des investisseurs, parce que notre seul problème…
YO: Oui mais pour faire quoi?
JEK: Voilà, notre seul problème, c’est la publicité. Ce n’est pas facile, parce que pour Keefak le marché est très grand et il est très varié, très dispersé. Ce n’est pas facile d’atteindre les Libanais qui sont au Brésil, il faut une personne là-bas; pour avoir une personne là-bas, il faut payer. On n’a pas les moyens pour ça, on cherche des investisseurs pour payer tout ce qui est marketing. C’est ça notre seul problème actuellement, c’est le problème de la publicité, et je pense que si on arrive à convaincre des investisseurs, on peut aller très loin.
YO: Quels sont du coup les relations que vous, start-uppers etc., essayez de développer avec l’étranger? On a parlé d’investissement, est-ce qu’il y a d’autres échanges que vous essayer d’avoir, avec des mentors, avec des gens expérimentés? Et quelles sont les zones d’influence, est-ce que ce sont les pays arabes, l’Europe, les Etats-Unis…?
JEK: En gros si on va parler d’expérience et d’expertise, on va chercher ça en Amérique, puisqu’ils ont peut-être 1 à 2 ans d’avance sur nous…
YO: Un peu plus!…
JEK: Non, on va dire dans le digital, ça va, on n’est pas très loin, donc on cherche là-bas les personnes qui vont nous conseiller pour savoir comment se lancer. Une deuxième chose qui est possible maintenant, c’est de voir quelles start-ups ont réussi à l’étranger, et d’essayer d’appliquer la même chose pour le Liban et le monde arabe. Et c’est le cas au fait, d’une start-up libanaise qui s’appelle Anghami.
YO: Anghami? Mes mélodies?
JEK: Oui, c’est ça. C’est comme Deezer et Spotify, ils ont appliqué la même chose mais pour le monde arabe. Il faut dire qu’au Liban, peu-être un peu moins mais en Arabie et à Dubaï, ils aiment bien les applications qui sont en arabe…
YO: Ils customisent en fait.
JEK: Oui, ils aiment que ce soit customisé juste pour eux. Donc c’était très intelligent de la part d’Anghami de faire ça, et on peut dire qu’aujourd’hui ils sont sur la bonne voie, ils ont eu un très grand succès.
YO: Du coup, peux-tu nous donner d’autres exemples de start-ups libanaises qui soit réussissent bien, ou que tu penses très intéressantes à suivre, pour donner quelques noms concrets et voir dans quels champs elles travaillent?
JEK: On a Anghami, on a l’application du jeune Jihad Kawas qui s’appelle Saily, c’est une start-up qui se lance, on a aussi un jeune Libanais qui a développé une application qui s’appelle Pou, c’est comme le Zazou, vous vous rappelez du Zazou, le petit objet qu’on achetait avant et on avait un animal qu’il fallait nourrir? Il a fait la même chose mais dans une application mobile. Et donc il a eu aussi un très grand succès à l’international.
YO: Est-ce qu’il y a des entrepreneurs libanais qui ont eu beaucoup de succès et qui sont un modèle à suivre dans le domaine du digital et du high-tech?
JEK: Oui, il y a pas mal de sociétés qui se sont lancées dans ça, je peux nommer quelques-unes. La société dans laquelle j’ai travaillé avant qui s’appelle Foo, qui développe des applications mobiles, qui est une des premières sociétés qui ont fait ça au Liban et on peut dire que c’est la meilleure au Liban et peut-être dans le monde arabe. On a aussi une société qui s’appelle Born Interactive, qui est dans le digital aussi, qui fait pas mal de bon travail; ils ont aussi été sélectionnés par le UK-Lebanon Tech Hub.
YO: Pour terminer, bientôt, à part la connexion Internet, est-ce qu’il y a d’autres choses qui te frustrent dans ton activité aujourd’hui, et comment aimerais-tu régler cela?
JEK: On a un problème qui est le problème des paiements. Les Libanais, peut-être pas seulement les Libanais, mais c’est un problème qu’on a, c’est que parfois on travaille, on développe une application, et il faut attendre 3, 6 mois, peut-être 1 an, avant qu’on soit payé. Et donc…
YO: Quelles solutions peut-on trouver à ça? Parce que ça c’est vrai que ça peut ralentir l’économie!
JEK: C’est vrai. Le problème c’est qu’il n’y a pas de grande solution, surtout au Liban. Le problème c’est que si on va parler légalement, si on va aller dans tout ce qui est légal, et vers la justice, on va payer plus que ce qu’on va encaisser. C’est pour ça qu’on essaie de travailler avec des gens en qui on a confiance, s’ils nous disent que dans un an ils vont nous payer, on dit ok… on ne peut rien faire. Et puisque la plupart des entreprises sont politisées, ils ont tous des connexions, on a très peur de…
YO: Il faut être très patient, pour être entrepreneur au Liban!
JEK: C’est ça, il faut être très patient, mais ça reste une très belle chose.
YO: Et si tu avais une baguette magique, et que tu pouvais exaucer 3 voeux, tu changerais quoi?
JEK: 3 voeux? OK. La première, c’est peut-être transformer tous nos politiciens…
YO: En geeks? 🙂 On est dans le digital là!
JEK: Peut-être qu’ils se lancent un peu dans le digital, ou peut-être juste leur dire de se pousser pour laisser la place aux jeunes, ça c’est la première chose, et je pense que même une baguette magique ne pourrait pas le faire. La deuxième chose, c’est qu’il y ait un peu plus d’investissement dans les start-ups. C’est vrai que récemment la Banque du Liban a invité toutes les banques du Liban à investir dans les start-ups, mais il faut encore plus. Ils sont très « picky » dans leurs choix, sélectifs, donc il faut qu’ils donnent encore plus de chance aux autres jeunes. Et la troisième chose, c’est la connexion Internet.
YO: D’accord! Merci beaucoup!
JEK: Merci à vous.
YO: Est-ce que tu veux rajouter quelque chose qu’on n’a pas abordé, que j’ai oublié, que tu trouves important?
JEK: Rien du tout, mais… Juste j’invite tous les jeunes Libanais qui sont à l’étranger à penser à revenir au Liban, parce qu’on a besoin d’eux, on a besoin de nouvelles têtes, on a besoin de têtes intelligentes, et c’est ici qu’il faut qu’ils s’investissent, puisqu’en fin de compte le Liban est leur pays, et voilà.
YO: Merci beaucoup!