Alors que la croissance est tirée en grande partie par les entreprises du numérique, les femmes restent ultra-minoritaires dans les métiers de l’informatique, en particulier dans ceux de la programmation.
Pourquoi ? Comment changer cela ?
J’ai interviewé 4 femmes développeuses pour explorer leur parcours, leur expérience, et leur point de vue sur le sujet.
Premier entretien de cette série avec Stéphanie Hertrich, évangéliste technique chez Microsoft France.
Transcription complète de l’interview:
Youmna Ovazza: Bonjour Stéphanie!
Stéphanie Hertrich: Bonjour Youmna.
YO: Bonjour à tous, je suis aujourd’hui avec Stéphanie Hertrich, et nous allons parler ensemble de développement informatique. Alors que la croissance est tirée en grande partie par les entreprises et les métiers du numérique, les femmes restent ultra-minoritaires dans les métiers de l’informatique, en particulier dans tout ce qui touche à la programmation. Pourquoi? Et pourquoi ça ne change pas? C’est une question qui me turlupine, et j’espère qu’on va pouvoir, à travers l’exploration du parcours de Stéphanie, de ce qui l’intéresse, etc., avoir peut-être des clés de compréhension ou d’amélioration de cette situation.
Stéphanie, pour commencer, pourrais-tu nous présenter ton activité aujourd’hui? Ce que tu fais au sein de Microsoft, ton ou tes activités, si tu veux aussi parler de ce que tu fais en dehors de ton job, par exemple?
SH: Chez Microsoft, je suis évangéliste technique. C’est un terme un peu bizarre qu’on va retrouver par exemple chez Google, Facebook, etc. mais en gros, ça veut dire que je suis développeuse. Je développe des applications ou j’aide des gens à le faire. Donc je code, dans un langage informatique, pour créer des applications, des sites web et ce genre de choses.
Là ça fait 5 ans que je suis chez Microsoft, et auparavant j’ai été à peu près 15 ans dans le milieu industriel, où j’étais lead technique sur des projets informatiques.
YO: Je vais te poser des questions sur ton parcours. Une première question est: comment tu te définis toi-même? C’est-à-dire que, quand tu te présentes, est-ce que tu te présentes comme une codeuse, comme une développeuse, comme une informaticienne… Quels sont les termes ou les mots que tu utilises pour te définir?
SH: Oui, codeuse, développeuse, c’est très bien. Architecte, éventuellement… C’est un terme qu’on rencontre plutôt dans notre milieu à nous. Donc si je dois vraiment expliquer à quelqu’un qui ne connaît pas, je dis que je suis développeuse d’applications.
YO: Et si tu veux parler plus « jargon » avec des gens du métier, tu spécifierais comment? Pour voir la différence?
SH: Je dirais que je suis développeuse plutôt orientée clients natifs, sur les technologies de Microsoft. Aussi architecte technique, en gros c’est à peu près ça.
YO: Qu’est-ce qui t’a incitée, au départ, à t’intéresser à ce métier ou à cet univers?
SH: En fait, quand j’étais petite, j’avais environ 8 ans, j’ai mon cousin qui a eu un ordinateur, et puis j’étais bien pote avec mon cousin, et ça m’a fascinée. A l’époque, ce n’était pas aussi répandu qu’aujourd’hui, c’était vraiment rare; et c’est un truc qui m’a vraiment plu, on jouait sur son ordinateur, et j’ai eu le droit d’en avoir un aussi. C’est comme ça que j’ai commencé, en jouant, quand j’avais quelques années.
Et en fait ça m’est resté, j’ai eu d’autres ordinateurs, ça m’a plu, et de fil en aiguille, je suis vraiment restée dans ce milieu-là. J’ai commencé à fréquenter les forums sur le Minitel, à l’époque, les forums informatiques en fait, autour des jeux, et il y avait des communautés qui créaient des démos, des démonstrations en fait, qui tournaient sur des ordinateurs, et je suis rentrée vraiment dans ce milieu-là, et je n’en suis jamais vraiment sortie, voilà.
YO: Avant de te parler de tes études, puisque je vais t’interroger là-dessus, quand on est enfant, et surtout quand on voit aujourd’hui le nombre de jeux qui existent, comment on passe du fait de jouer, au fait de tester la programmation, par exemple?
SH: Alors ça, c’est une vraie bonne question. Effectivement il y a plein de monde qui joue, et il n’y en a pas tant que ça qui ont envie de voir ce qui se passe derrière…
J’ai constaté en fait, avec les amis que j’ai et les gens que j’ai dans mon entourage professionnel qui sont développeuses, donc des femmes qui codent, il y en a pas mal qui sont passés par la phase Lego. Moi je jouais énormément aux Lego, et même les Lego techniques, tu sais, où tu fais des voitures (pour les adolescents, à l’époque c’était un peu ça)… Et le fait de suivre des plans, de monter des projets qui aboutissaient à quelque chose de concret, avec un objet à la fin, finalement, j’ai l’impression que ça dédramatisait un petit peu tout ce côté technique, parce que par ailleurs après, si je devais brancher un ampli avec deux enceintes et qu’il y avait deux câbles, ça ne me faisait pas peur de dévisser un truc et de les mettre dedans, de les dénuder…
Je ne sais pas si c’est pour ça, mais peut-être que ça dédramatise le côté technique des choses, qui fait que ben ouais, je suis capable de faire une grosse voiture en Lego avec des sièges réglables et une boîte de vitesses, peut-être que je suis capable aussi de monter une application, en tout cas de coder quelque chose, mettre des éléments les uns avec les autres pour que ça donne quelque chose de technique à la fin, sur le côté informatique.
Je n’ai aucune preuve de ça évidemment, mais je me dis que s’il devait y avoir quelque chose, c’est peut-être ça.
YO: Du coup, après, quelles études tu as faites?
SH: J’ai fait un bac scientifique, ensuite j’ai fait un Bac+2 DUT d’informatique, et ensuite je suis allée 3 ans à la faculté (licence, maîtrise, DESS) – ce n’est plus les mêmes termes aujourd’hui, à l’époque c’était ça. Un Bac+5 en informatique.
YO: Du coup, tu as tout de suite voulu faire informatique? C’est-à-dire que la question ne s’est pas posée sur ton orientation professionnelle?
SH: En fait, j’ai hésité avec de la bio. Voilà. Bio, informatique, je suis partie dans l’informatique, parce que c’était vraiment le domaine qui me plaisait.
YO: Au-delà de ton cousin, est-ce que tu étais dans un environnement, quel qu’il soit (familial, géographique, l’école…), qui pour toi a favorisé cette orientation?
SH: Pas du tout.
YO: Non?
SH: Non, parce que mon père est ébéniste et ma mère est secrétaire, donc rien à voir. Par contre mon père est manuel effectivement, ébéniste, il fait des trucs avec ses mains…
YO: Aujourd’hui on dirait que c’est un « maker » 🙂
SH: Voilà, on peut dire ça, on peut extrapoler jusque-là, c’est un peu tiré par les cheveux mais pourquoi pas… 🙂 Mais voilà, je n’étais pas dans un milieu favorisé pour aller dans la tech. Je n’ai pas l’impression.
YO: D’accord. Et du coup, pour toi, les facteurs d’influence, à part ton cousin?… Ca tient à peu de choses, entre guillemets? Ou…?
SH: Pour moi, j’ai l’impression que ça tenait à peu de choses. Est-ce que c’est vrai ou pas, je n’en sais rien, mais oui, c’est peut-être le hasard, je suis tombée sur une boîte de Lego, ça m’a plu, j’ai monté des trucs et petit à petit j’en ai voulu d’autres, parce que peut-être à l’époque il n’y avait pas d’autres jeux qui me plaisaient… Je jouais aussi beaucoup à la poupée, hein, quand j’étais petite, je n’étais pas spécialement…
YO: Oui, ce n’est pas binaire, quoi 🙂
SH: Oui exactement, ce n’est pas 0 ou 1… Mais voilà, je me suis retrouvée là-dedans, et vraiment si j’ai choisi l’informatique, c’est parce que j’aimais la partie technique du job. D’ailleurs je le suis restée, parce que c’est vrai qu’il y a pas mal de développeurs ou développeuses qui changent d’orientation à partir d’un certain niveau de séniorité et qui passent dans le management. Parce que, pour progresser, en France, c’est souvent comme ça que ça marche. Et voilà, moi j’ai fait vraiment le choix de rester dans la technique.
YO: Et une question, du coup, toujours sur la formation avant d’arriver au parcours: est-ce que tu te souviens, quand toi tu as choisi d’aller en informatique, comment c’était présenté à l’époque? Et est-ce que ça a changé aujourd’hui? Pour les étudiants, c’est-à-dire en matière d’orientation professionnelle, pour faire quoi derrière, pour quels métiers, etc.?
SH: Je n’ai aucun souvenir qu’on m’ait présenté quoi que ce soit, très franchement!
YO: Ah oui?
SH: Oui. Pour moi c’était assez clair donc je n’ai pas trop creusé les différentes orientations, et les différentes possibilités qui s’offraient à moi, et à l’époque on ne faisait pas des stages en entreprise et des choses comme ça, ça restait encore plus théorique qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, ça l’est encore pour les étudiants, mais à l’époque je crois que c’était encore pire. Donc je n’ai pas eu l’impression qu’on nous ait présentés ce job d’une manière ou d’une autre.
YO: Ce n’était pas « marketé » 🙂
SH: Non, je n’ai pas l’impression. C’est vraiment le fait que j’étais déjà dedans qui a fait que j’ai continué.
YO: Et est-ce que du coup, maintenant, tu peux nous raconter un peu quel a été ton parcours professionnel?
SH: En fait, j’étais développeuse dans l’industrie, dans une boîte qui était autour de la sécurité périmétrique, sécurité autour des aéroports, des sites nucléaires, ce genre de choses; qui construit du matériel et du logiciel autour de ça. Donc j’ai été dans différentes sociétés de ce type-là, pendant une quinzaine d’années, et donc j’étais développeuse, et ensuite lead technique. Je n’avais pas de responsabilités en tant que management de personnes, mais des responsabilités de projet.
Et après, je suis partie chez Microsoft, où j’ai un rôle qui est un petit peu différent; là ce n’est plus moi qui édite des logiciels, ce n’est plus moi qui code le logiciel qui va sortir et que les gens veulent utiliser. Mais j’aide d’autres personnes à le faire, sur leurs propres applications, leurs propres produits.
YO: Quel a été, pour toi, dans ton premier job, ou le fait d’aller dans un univers industriel par exemple, est-ce que c’était la disponibilité? C’est-à-dire que c’était le job que tu as trouvé? Est-ce que tu as eu un choix à faire et c’est ce choix que tu as fait? Maintenant, a posteriori tu peux te dire pourquoi? Ou tu ne sais pas?
SH: Ah je sais très très bien! Parce que je ne voulais surtout pas faire d’informatique de gestion!
YO: Aahh! L’informatique de gestion! 🙂
SH: Je voulais surtout être dans quelque chose de très technique et ce qu’on appelle, dans notre milieu, « bas niveau », c’est-à-dire proche du matériel. Voilà. Non, non, c’était un VRAI choix, parce que je suis attirée par ça, tout simplement.
YO: Et du coup, j’ai envie de te dire, quelles sont tes spécialités? On sent bien qu’il y a un fort goût pour la technique, mais est-ce qu’aujourd’hui tu dirais que tes spécialités sont quoi? Ce que tu aimes en particulier? Et par opposition à ça, ce que tu n’aimes pas du tout?
SH: Par rapport à mon job?
YO: Oui, par rapport à ton job et de manière plus large, dans l’univers de la programmation…
SH: Alors, initialement – ça va être quand même un petit peu technique, ce que je vais dire, je suis désolée – initialement, je faisais du développement embarqué, c’est-à-dire des boîtes qui servent de central d’alarme, par exemple, qui sont posées dans des sites à risques, etc. Je faisais du logiciel qui était embarqué là-dedans, ça reste côté serveur, il n’y a pas d’interface graphique, ce n’est pas une application qu’on utilise sur un smartphone ou sur un PC.
Ensuite, je suis passée plutôt côté « client », pour faire des applications sur un smartphone ou sur un PC, et là je reviens à nouveau sur le côté serveur avec le cloud etc.
Mais, ce qui me plaît, c’est toujours de rester dans la technique et de relever des défis techniques, et ça c’est récurrent.
YO: Est-ce qu’il y a des langages, ou des sujets, ou des types de projets que tu n’aimes pas du tout? Et pourquoi?
SH: Justement, tout ce qui est autour de l’informatique de gestion, ça me plaît moins que tout ce communique avec des capteurs déportés et ce genre de choses.
YO: Pourquoi, parce que c’est moins stimulant? C’est quoi, c’est le fait de résoudre des problèmes? Est-ce que tu as une idée?
SH: Alors j’ai fait beaucoup de développement côté client, par exemple d’applications, et par exemple, je commence à m’en lasser un petit peu, parce que justement je trouve ça assez ingrat le fait de positionner différents éléments à l’écran pour qu’ils se comportent bien, selon qu’on tourne l’écran dans un sens ou dans un autre, etc. Il y a un côté un petit peu ingrat de faire ce job-là, en tout cas c’est mon avis à moi, et je préfère faire un travail sur l’architecture du code elle-même. C’est pour ça que j’aime bien plutôt être côté serveur. Mais là je suis rentrée encore une fois dans la technique, je ne suis pas sûre d’être très claire…
YO: Ben si quand même! Qu’est-ce qui te plaît particulièrement dans le côté « évangéliste »?
SH: Alors le côté évangéliste, c’est autre chose, c’est complémentaire à la partie technique; c’est le fait d’expliquer à une audience comment appréhender telle ou telle technologie, et comment la mettre en oeuvre de la manière la plus sensée possible. C’était un vrai défi pour moi quand je suis rentrée chez Microsoft, parce que j’étais lead technique et mon boulot ce n’était vraiment pas de faire des conférences.
Donc ça c’était un défi personnel, je suis contente parce que ça a bien fonctionné, surtout le défi était que ça me plaise! Donc voilà, ça a de la valeur de voir qu’on sert à quelque chose. Quand on explique un concept et que les gens sont contents parce qu’ils ont compris des choses, qu’ils peuvent avancer… ça a de la valeur, c’est intéressant et ça me plaît.
YO: Aujourd’hui, globalement, par rapport à ton parcours, et par rapport à ce que tu fais aujourd’hui, est-ce que tu es toujours aussi heureuse de ton choix? Pour les mêmes raisons qui t’ont poussée à faire informatique au départ? Ou est-ce que finalement tu as découvert d’autres raisons, aujourd’hui?
Je ne sais pas si ma question est claire? Parce que parfois quand on se lance dans un secteur ou dans une carrière on a des a priori ou des idées, puis finalement 20 ans plus tard, 15 ans plus tard, 10 ans plus tard, on se dit qu’on s’est rendu compte d’autre chose… ou pas du tout.
SH: Ca rejoint un petit peu ce que je disais tout à l’heure avec les conférences, j’aimais beaucoup la partie technique je l’ai dit et redit, mais en fait ce que j’apprécie aussi ces derniers temps, c’est de bosser avec les start-ups, de leur expliquer un petit peu comment on met en oeuvre un projet numérique, comment on le suit, en termes de méthodo, les bases techniques, etc. Quand j’explique ce genre de choses à une audience start-up, CEO, etc., et que je vois à quel point ça les aide, vraiment, je me dis « là il y a quelque chose à faire », il faut que les audiences non-techniques apprennent plus de choses sur la vulgarisation de la tech parce qu’aujourd’hui il y a du numérique partout, et on fait mieux son boulot quand on comprend les principes de base, et voilà. De voir que nous, techos, développeurs, on peut aider à ça, ben voilà, c’est chouette.
YO: Est-ce que c’est un sentiment partagé, ou est-ce que tu as l’impression plutôt que par défaut, les techos sont plus entre eux et font moins de ponts avec d’autres métiers, d’autres secteurs? C’est une impression, hein…
SH: Bon c’est vrai que quand on a une équipe de développement, je ne sais pas, s’il y a 10 développeurs dans l’équipe, ce ne sont pas forcément eux qui vont être directement en contact avec les clients ou le marketing… il y aura des contacts, mais c’est vrai que quand ils sont dans la phase de développement, ils sont un peu, pas mis à l’écart, mais ils n’ont besoin que d’eux, entre guillemets… c’est un tort aussi, parce que c’est bien de sortir et de voir la vraie vie, de voir les clients, le marketing, etc.
Oui du coup ta question était: oui on est un peu isolé, et on se complaît un peu là-dedans, mais c’est vrai que c’est un petit peu dans tous les jobs, on reste un peu cloisonné en réseau, c’est vrai que là le curseur est poussé un petit peu plus loin mais c’est lié à notre job quand même aussi. Parce que celui qui va communiquer avec les autres équipes, c’est plutôt le responsable projet, chef de projet, il va y avoir quelqu’un d’identifié pour faire toute la partie métier et voir comment on fait, tout le monde ne peut pas y participer, et voilà… on est souvent tout en haut, au dernier étage, enfin moi chaque fois c’était comme ça, dans toutes les boîtes dans lesquelles je suis allée. La hotline souvent, elle est au dernier étage, c’est assez ingrat, mais là aussi, à chaque fois c’était comme ça, partout où je suis allée, hotline technique, c’était au sous-sol, et R&D c’était tout en haut.
Qui dit tout en haut, veut dire personne ne passe en fait!
YO: Oui, ce n’est pas un carrefour de passage quoi
SH: Voilà, exactement.
YO: J’ai une question qui est plus « personnelle »: à ton avis, qu’est-ce qui te différencie de tes collègues dans ta manière de travailler?
SH: De mes collègues masculins?
YO: Non, en général. Bien sûr, ma question après est peut-être de voir s’il y a une différenciation homme-femme, mais je pars du principe au départ, que ce ne soit pas forcément masculin; à ton avis à toi, qu’est-ce que tu remarques?
SH: Non, je n’ai pas plus de différence avec les uns et les autres que n’importe qui; et même par rapport aux hommes, je n’ai pas l’impression… surtout que quand on commence notre formation, on est déjà dans ce contexte-là, on est une proportion très faible de femmes, en fait on s’imprègne un peu de ce contexte, et ça déteint, le comportement des garçons déteint aussi un petit peu sur nous, on se comporte un peu comme eux, enfin j’ai l’impression que… moi je ne ressens pas de différence entre moi et quelqu’un d’autre dans le même job; enfin, pas plus de différence que n’importe qui.
YO: C’était ça le but de ma question.
SH: Que n’importe qui qui bosse dans la pub, ou le marketing, qui aurait une différence avec n’importe qui d’autre qui bosserait dans le marketing, non je ne crois pas.
YO: C’est-à-dire que pour toi, ta différence, c’est ta différence personnelle: c’est lié à ta personnalité, ta manière de travailler, mais ce n’est pas un attribut de ta partie « féminine »… c’est là où je voulais en venir en fait.
SH: Non, je ne pense pas.
YO: Est-ce qu’il y a beaucoup de femmes qui travaillent dans les univers dans lesquels tu étais, ou vous étiez toujours minoritaires?
SH: Oh non, on était toujours minoritaire. Après, on avait toujours une ou deux… non en fait pas toujours… il y en avait mais très peu.
YO: Et toi tu as un point de vue là-dessus? C’est-à-dire: est-ce qu’il y a des différences, parfois, entre les hommes et les femmes, dans la manière de travailler? Mais j’ai envie de dire, ça peut être autant la manière d’aborder un sujet, que dans la manière d’organiser son travail, que dans la manière de collaborer les uns avec les autres, que dans ce qui les motive dans le projet, tu vois…
SH: Moi je ne trouve pas. Personnellement je ne trouve pas. Parce que j’ai bossé aussi bien avec des femmes dans mon job, qui faisaient le même job que moi, dans l’équipe, et des hommes, je n’ai pas vu de différences. Par contre, je trouve que j’ai gagné à bosser avec des garçons sur le fait qu’ils sont très francs, ils ne vont pas se monter la tête pour n’importe quoi, et du coup tout est assez clair quand on communique; on peut ne pas être d’accord, on peut même gueuler un bon coup, mais après voilà on avance, il n’y a pas trop de petites histoires bizarres. Mais ce qu’il est important de noter c’est que, avec les femmes avec lesquelles j’ai bossé, c’était pareil qu’avec les garçons. C’était jamais compliqué.
YO: C’est l’univers qui veut ça?
SH: On s’est tous imprégné les uns des autres, et peut-être le fait qu’il y avait une majorité de garçons qui prenaient les choses de manière un peu premier degré, ce n’est pas péjoratif, dans la communication, ben nous aussi on a appris à fonctionner comme ça, et voilà. Ca je trouve que c’est plutôt un avantage que j’ai pu acquérir.
YO: Et du coup… bon je fais exprès; mais c’est vrai qu’il y a parfois beaucoup d’idées ou de préjugés… Aujourd’hui toi qui est aussi en contact avec d’autres métiers, d’autres univers, où il y a parfois moins de femmes, dans les start-ups il n’y en a pas forcément autant que les hommes, dans le marketing digital, il n’y en a pas beaucoup même si dans le marketing il y a beaucoup de femmes… Est-ce que tu remarques la même chose? Pour toi, tu vois des personnalités différentes ou est-ce que parfois tu te dis: « Ah tiens là, c’est vraiment une question de femmes et d’hommes, je trouve des traits qui se reproduisent… »
SH: Non, honnêtement, je ne vois pas, pour moi ce sont des individus, vraiment… Peut-être que pour être une femme dans ces métiers-là, on a dû quand même faire notre place, on a dû se battre un peu, ça nous a forcées à sortir de notre coquille un petit peu, parce que comme on est minoritaire parfois on ne nous demande pas notre avis, mais du coup si on veut dire quelque chose… oui, voilà, pour une position, on va devoir le dire plus fort peut-être au début, donc ça nous force un petit peu à nous affirmer, voilà.
YO: Pourquoi, toi, à ton avis, est-ce qu’il y a aussi peu, aujourd’hui encore, de femmes dans le développement informatique?
SH: C’est une bonne question. En fait, ce n’est pas comme ça dans tous les pays, si on prend l’Inde par exemple, il y a une proportion beaucoup plus équilibrée d’hommes et de femmes dans ces milieux-là, parce que dans les pays en voie de développement, en fait, on fait comme on peut, on avance comme on peut, et les hommes et les femmes dans ce cadre-là, les filles et les garçons sont à égalité et ça ne les choque pas plus de faire ce genre de jobs que n’importe quoi d’autre. Et du coup, on peut imaginer que c’est pour ça, mais c’est vrai qu’autrement dans les pays industrialisés comme les nôtres, il y a des vraies différences et ça ne s’arrange pas a priori. Je n’ai pas vu les dernières études mais c’est vrai que c’est un petit peu compliqué et ça peut être étonnant, parce que c’est à la mode en plus, être geek, coder, on voit ça un petit peu partout… Il faut espérer que ça changera… mais c’est culturel et voilà, parce qu’on va donner plutôt une poupée à une fille qu’autre chose…
YO: Mais comme tu disais l’un n’empêche pas l’autre.
SH: L’un n’empêche pas l’autre, tout à fait, après c’est une question de hasard aussi, je suis tombée sur un truc qui me plaisait et j’ai continué, ça a dédramatisé la partie technique. Je reviens sur les Lego, je ne sais pas si c’est à cause de ça mais c’est une image: peut-être que si je n’avais pas pu éprouver le fait de monter des blocs les uns avec les autres et me rendre compte que finalement ce n’est pas grand chose, peut-être que je n’en serai pas là aujourd’hui… Ca tient peut-être à pas grand chose!
YO: Toi ça ne t’a jamais freinée? De te retrouver dans un milieu où tu étais vraiment minoritaire…
SH: Ah non, si quelque chose devait me freiner, ce n’était pas le fait que je sois minoritaire. C’était en rapport avec la technique peut-être, est-ce que j’en étais capable, ce genre de choses… mais jamais je ne me suis dit « il n’y a pas de filles donc ça craint ». Je n’ai jamais pensé ça.
YO: Et du coup j’ai une autre question, peut-être un peu bête, mais: est-ce que quand on est « minoritaire » dans un milieu, on doit être forcément très bonne ou meilleure, pour émerger? Ca fait partie aussi des fois des préjugés… Ou est-ce que finalement on a le droit de se planter et d’être aussi moyen que les hommes? Ce n’est pas une question simple…
SH: Ben on a le droit de se planter, mais c’est vrai que on retiendra plus facilement nos échecs que ceux des garçons. C’est-à-dire que si un garçon échoue, on dira « ah ben ouais, il a raté le truc… » et si c’est une fille qui échoue, on dira « Ah ouais! »
YO: « Elle n’était pas faite pour ça »…
SH: Oui mais voilà; j’exagère, je caricature… mais c’est vrai que quand on n’a pas travaillé avec vous, si la première expérience elle n’est pas super concluante, c’est dangereux pour l’avis que les gens peuvent avoir de vous. Donc on a moins droit à l’erreur, c’est vrai, je le pense, mais néanmoins, moi je n’ai jamais eu de soucis, une fois que je travaillais avec les gens, je n’ai jamais vu aucune différence entre leur rapport avec moi ou un homme, un de mes collègues masculines. Une fois qu’on bosse, on bosse, on n’est pas des filles ou des garçons, on est des collègues en fait, c’est tout.
YO: Tu as des engagements associatifs: Duchess France, mais peut-être d’autres aussi, dont tu voudrais parler. Qu’est-ce qui t’a poussée à avoir ce genre d’engagements et quelles sont les actions qui te motivent là-dedans?
SH: Alors Duchess France est effectivement une association qui fait, en gros, la promotion des femmes qui sont dans la tech. Alors faire la promotion c’est beaucoup dire, mais l’idée déjà c’est qu’on se retrouve entre femmes techniques et du coup on peut papoter entre nous. C’est la première chose, toute simple et toute bête, mais qui fait parfois du bien quand même parce qu’on se comprend. Même si tout se passe bien dans le boulot, des fois on a envie de discuter avec une autre fille, sur sa manière de voir les choses, même sur la partie technique des fois c’est intéressant.
Il y a le fait aussi qu’on a envie qu’il y ait plus de femmes qui soient visibles dans la tech, notamment dans notre métier on participe souvent à des conférences techniques, nationales, internationales, et parmi les speakers, donc les gens qui sont sur scène pour parler, il y a très peu de femmes. Et donc dans cette association Duchess, il y en a plusieurs qui sont speakers, qui ont participé à des conférences, et l’idée est de coacher d’autres développeuses, d’autres femmes techniques, pour que elles aussi puissent prendre plus facilement la parole dans des conférences techniques, on va les aider à répondre aux calls for papers, on va les faire répéter, etc. donc voilà, c’est une petite entraide pour faire en sorte que les femmes se sentent mieux dans leur job et faire en sorte qu’elles réussissent dans leur job, qu’elles soient légitimes sur la partie technique, et qu’elles puissent rencontrer aussi d’autres personnes dans la tech, du réseau, etc.
Ca c’est une fois que la femme est dans le rôle de la technique, qu’elle s’y sente bien, et qu’elle puisse grandir de la meilleure manière possible.
Et puis après, il y a l’autre volet qui est justement: « Venez, venez, c’est sympa d’être dans la tech, quand on est une fille ça marche très bien, et voilà ». Et l’idée est de montrer plus de profils techniques, apporter de la visibilité aux développeuses pour que d’autres jeunes filles, femmes, ou garçons par exemple aussi, puissent se dire « mais c’est vrai, pourquoi est-ce que moi je ne pourrai pas faire ça aussi puisqu’elles le font et ça marche, et en plus elles s’éclatent ».
YO: Est-ce que tu vois des initiatives dans d’autres pays par exemple, que vous trouvez être intéressantes comme source d’inspiration? Dans la mécanique de ce qu’elles font, ou en termes de modèle ou autre… quelque chose que tu pourrais citer? Ou vous créez comme vous le sentez?
SH: En fait Duchess, à la base, c’est un Java User Group. C’est un groupe de développeurs du langage de programmation Java, donc ça a pivoté, on va dire, ça a évolué et maintenant c’est ouvert à tous les types de langages et de technos, mais des user groups il y en a sur différents langages, différentes technos, partout dans le monde. Du coup, des Duchess, il y en a partout dans le monde.
Et en fait, on ne s’inspire pas forcément de groupes techniques internationaux, mais on essaie plutôt de voir ce qu’on peut apporter, plus en France que dans le monde, plutôt production locale, on cherche des idées en fait effectivement pour avoir plus de valeur dans le fait d’aider les femmes à accéder aux métiers techniques; on a plein d’idées en fait, plein de nouvelles idées pour l’association Duchess, on ne peut pas encore parler de tout, mais il y a plein de choses qui bouillonnent dans notre petite tête et qu’on va mettre en oeuvre.
YO: Tu as abordé le sujet de la transmission, du coup, si tu devais transmettre aujourd’hui à des enfants ou à des adolescents, ou peut-être si tu as des enfants de ces âges, le goût de ces métiers, de cet univers, qu’est-ce que tu ferais pour t’assurer que ça intéresse autant de filles que de garçons?
SH: C’est une bonne question, et d’ailleurs je n’y arrive pas forcément, puisque j’ai un garçon qui a 14 ans qui est un vrai geek pur et dur, et ma fille qui a 12 ans, elle ça l’intéresse normalement, juste elle utilise des applications sans plus, donc je n’ai pas…
YO: Il n’y a pas de mimétisme automatique…
SH: Non, il n’y a pas de mimétisme automatique, je crois juste que chacun doit aller vers ce qu’il aime, mais c’est vrai que si on ne lui propose pas justement cette voie-là, il ne peut pas savoir s’il va l’aimer ou non. Donc voilà, d’avoir cette ouverture sur « tout est possible, on peut tout faire », c’est vrai sur la partie technique mais sur plein d’autres choses hein, la médecine, etc., plein d’autres métiers…
Faire connaître les métiers, montrer qu’on peut se plaire dans ces métiers-là, qu’on soit des garçons ou des filles, donc les roles models, je pense que c’est important quand même. On n’a pas comme ça d’idée sur, tiens, quelqu’un de très connu, une femme très connue, qui serait développeuse. Enfin, il y en a, bien sûr, historiquement, mais néanmoins ce n’est pas dans la tête des petites filles, et pour intervenir de temps en temps dans les collèges, dans les lycées, dans les groupes de jeunes filles, pour parler un peu de mon métier, ce que je retrouve à chaque fois, c’est… elles n’ont pas envie en fait! Moi je viens un peu les embêter, leur dire « mais si, développeur et tout… » mais (elles): « ah ouais mais c’est quoi? Ah non… » (moi) « Ah pourquoi tu ne veux pas? » pfff…
En fait, pour elles, ça reste associé à l’image du geek avec les cheveux gras, les lunettes, les boutons, qui reste devant sa machine et qui n’en sort jamais, ça reste quand même encore cette image, et l’image idéale de la femme pour elles plus tard, ce n’est quand même pas ça! Et elles associent vraiment cette image à ces métiers, c’est dommage, il faudrait casser ça. Donc si on pouvait avoir, effectivement, plusieurs femmes qui sont normales, quoi, comme une femme lambda, avec ses différences, s’habiller en fille ou pas, enfin elle fait ce qu’elle veut, mais juste quelqu’un de normal, plein de personnes normales qui font ce job, elles peuvent se projeter plus facilement.
YO: Est-ce qu’il y a des initiatives que tu vois, d’ailleurs peut-être ailleurs dans le monde, autour des enfants ou des ados qui te paraissent intéressantes, particulièrement envers les filles mais pas que? Au-delà des role models? Est-ce que par exemple, les cours de techno, les activités, toutes ces initiations à ces univers, quel est ton point de vue là-dessus, toi aujourd’hui? Est-ce que pour toi ça marche, ou est-ce que c’est une manière lambda, basique, de donner le goût… Qu’est-ce que tu en penses?
SH: Alors il existe des ateliers pour les enfants, Kids Coding, par exemple, je trouve ça super de démystifier un peu la technique à travers ces ateliers-là.
Il y a une initiative aussi qui s’appelle Wi-Filles, qui aide des collégiennes à participer à des ateliers de code, pendant les vacances, et petit à petit elles apprennent plein de techniques différentes pour programmer… Donc il y a plein de choses qui existent, et qui sont en maturation aussi, et puis il y a des choses liées à notre gouvernement, à l’éducation, qui sont en train de se faire.
Je ne sais pas en fait quelle est la solution, ni quelle est la meilleure manière de faire; puisque moi-même je suis spectatrice en fait, de tout ça, et en plus vu que j’y suis, je vais avoir un regard forcément biaisé, qui a de la valeur je pense mais c’est une vision sur comment on pourrait transmettre aux jeunes, et ce n’est pas forcément cette vision-là qui sera la plus pertinente, puisque moi je suis déjà dedans. Je ne suis pas justement cette audience qui a du mal à y rentrer; il faut réussir à identifier pourquoi elles n’ont pas envie d’y rentrer, et quels sont les bloqueurs. Mais ça va arriver.
YO: Pour finir, arriver vers la fin de mes questions, qu’est-ce qui te frustre le plus aujourd’hui dans ton activité, ou dans ton métier?
SH: Qu’est-ce qui me frustre le plus? Oh la la, c’est une bonne question… Je ne suis pas sûre que ce qui me frustre soit lié aux femmes ou aux hommes… Je ne crois pas, je crois que le fait d’être une fille est…
YO: Non c’était une question asexuée :), c’était par rapport à ton métier globalement!
SH: C’est un petit peu dommage qu’en France en fait, on ait du mal à progresser quand on reste dans un métier technique. C’est un problème qu’on ne trouve pas aux US par exemple, ou dans d’autres pays.
YO: Ce que tu appelles progresser, c’est dans quel sens? C’est quel type de progrès?
SH: En fait, progresser en termes de séniorité, en termes de salaire aussi, surtout en fait, et de responsabilités… non, plutôt salaire en fait.
YO: Et pourquoi? Parce qu’aujourd’hui, ce sont quand même des métiers recherchés, demandés, qui sont le socle de beaucoup d’entreprises…
SH: On considère qu’à partir d’un certain niveau de séniorité, si on veut progresser, il faut passer manager. Voilà, en France c’est comme ça. J’ai pas forcément les réponses du pourquoi du comment, mais c’est… En fait un technicien, parce que c’est ce que je suis, un technicien qui va rester technicien toute sa vie, c’est quelqu’un qui a raté sa vie professionnelle en France, c’est comme ça que c’est vu. C’est dommage hein! Alors qu’on peut avoir vraiment une séniorité très importante sur la partie technique, il y a énormément de valeur pour une société ou pour un projet, je pense qu’il en faut un peu pour tous les goûts, tous les âges et tous les types de séniorité… C’est dommage en fait qu’il y ait ce bloqueur.
YO: Et donc à l’inverse, dernière question, positive: si tu avais une baguette magique et que tu pouvais exaucer 3 voeux, lesquels seraient-ils?
SH: 3 voeux, pour quelle…?
YO: De manière générale, par rapport à ton activité, ou ton métier, ou ton secteur?
SH: Alors: avoir une super idée de start-up et avoir le courage de me lancer dans un truc et qui marche.
YO: Ca ça fait 2 voeux!
SH: Ca fait 2 voeux, mince! Il ne m’en reste plus qu’un alors, voilà! Puis après, avoir un bon équilibre vie personnelle et vie professionnelle, ce que j’ai, mais c’est vrai qu’après, au-delà de la technique, mais là ça n’a vraiment rien à voir avec mon job à moi, quand on est une femme et qu’on travaille et qu’on a une famille – j’ai 3 enfants -, c’est toujours compliqué, voilà, de réussir sur tous les tableaux en même temps partout, mais ça ce n’est vraiment pas lié à mon job.
YO: Ca c’est une question que je n’ai pas posée du coup, mais est-ce que quand on est dans les métiers du développement, est-ce que ce sont des métiers qui ont en termes de rythme de travail… qui peuvent être plus exigeants, nécessiter des horaires décalés etc., que d’autres? Ou non, pas forcément? C’est une question d’organisation personnelle?
SH: Non, je pense que justement, on pourrait imaginer adapter en fait le rythme d’une journée, puisque quand on fait du développement finalement, on est quand même seul devant sa machine, même si on travaille en équipe sur un projet, voilà. Mais finalement, on peut très bien faire ça de chez nous d’ailleurs. Moi je travaille une partie de la semaine depuis chez moi, et une partie de la semaine chez Microsoft, donc ça c’est vraiment intéressant, je connais pas mal de gens qui se sont installés au fin fond de la cambrousse pour travailler avec une société qui elle est dans une capitale… ce sont des choses qui sont possibles donc c’est vrai que ça, oui c’est un job qui peut être mis en oeuvre avec beaucoup de souplesse.
YO: Merci beaucoup, pour toutes ces réponses! Est-ce que toi, tu as envie de rajouter quelque chose? Une question que je ne t’ai pas posée, que tu aurais aimé que je te pose, ou un message important, que tu as envie de faire passer?
SH: Non… Tant mieux s’il y a plus de femmes qui viennent dans la technique, mais l’idée de se reconvertir aussi, c’est des choses qui peuvent être intéressantes pour les femmes – pour les hommes aussi – mais voilà, je pense que si la technique vous a toujours titillées, c’est intéressant de voir un petit peu comment ça se passe, de gratter, ce n’est pas du tout aussi compliqué qu’on l’imagine. Il y a des choses qui sont accessibles à tous les niveaux.
YO: Alors j’avais dit « dernière question », mais du coup je rebondis: c’est vrai qu’aujourd’hui on voit pas mal de gens – je ne sais pas en termes statistiques, mais – qui, au bout de 10, 15, 20 ans parfois de carrière professionnelle, ont envie de changer, et passent parfois par des reconversions importantes; vers des métiers parfois manuels, ou autres, enfin je veux dire, ils changent complètement.
Est-ce que ça c’est imaginable, est-ce qu’on peut devenir développeur à 40 ans? Est-ce que tu as déjà vu ces cas de figure, en termes d’années de formation…? Ou non, ça devient quand même compliqué?
SH: En fait, c’est un petit peu comme être chef dans un restaurant, on peut être développeur à différents « niveaux », on peut très bien ouvrir une pizzeria – je ne dis pas qu’il ne faut pas de compétences pour être pizzaiolo – mais, on peut très bien ouvrir un restaurant et très bien réussir à son niveau parce qu’on fait des super pizzas sans forcément être chef étoilé, et c’est un petit pareil; c’est caricatural ce que je dis, mais quand même, c’est un petit peu pareil dans le développement.
On peut faire des choses assez simples avec des frameworks existants pour faire des sites web, on peut déjà s’amuser largement et répondre à un besoin d’affaires, si on en fait son job, ce n’est pas forcément pour ça qu’on sera un développeur très très très technique, mais ce n’est pas grave, on peut en faire son job quand même. Donc il y a vraiment différents niveaux de compréhension de développement informatique, et on peut s’initier facilement – enfin il faut quand même bosser un peu, on n’a rien sans rien, mais voilà, c’est accessible pour démarrer.
YO: D’accord.
SH: Pour avoir de petites choses, il faut commencer petit. Il faut commencer petit, il ne faut pas en demander trop tout de suite, et c’est très gratifiant comme job, parce qu’on se rend compte qu’on arrive à faire des choses… D’abord on n’arrive pas, pendant longtemps, ça c’est normal
YO: Faut s’accrocher!
SH: Voilà, mais pas seulement en termes de reconversion, c’est un job où il faut persévérer et ça c’est important, il faut être tenace.
YO: Merci beaucoup Stéphanie!