En cette nouvelle année qui commence, j’avais envie d’aborder un sujet intimement lié à la transformation numérique des entreprises et à leur management: le changement. Notamment à travers le prisme de la question suivante : quand on parle de changement lié au digital, le changement, c’est pour qui ?
Car le changement, c’est toujours pour les autres. Ce mot est sur les lèvres de tant de dirigeants, de tant de managers, ceux-là même qui sont en position de l’initier, de l’accompagner, de l’accomplir, et qui pourtant ne cessent de l’appeler de leurs vœux comme si c’était d’une volonté externe qu’il devait émaner.
Ce sujet dépasse bien entendu les frontières du digital, mais ce dernier en est un révélateur particulièrement intéressant, ses champs d’application couvrant toutes les fonctions de l’entreprise à travers une large variété de sujets, de la stratégie au modèle économique en passant par la façon de faire collaborer les équipes ou encore de communiquer. A un tel point qu’un CDO (Chief Digital Officers, dont je fais partie) ou assimilé se retrouve souvent le premier sur le front du changement qu’il est censé aider les autres à accomplir ; on l’espère magicien et oracle, il se transforme souvent plus prosaïquement en un couteau suisse plus ou moins bien affûté et utilisé, avec fonctions de kiné, de psy, de coach, d’entraîneur, de chef de projet, de conseiller, de faire-valoir, de caution, de cuisinier, d’acupuncteur, de cireur de chaussures pour certains, et j’en passe… un homme ou une femme à tout faire qui a muté au service du changement qu’il doit distiller, quand l’entreprise continue à y résister.
Entre ceux qui attendent le changement « digital » comme on attend Godot, et ceux qui doivent d’abord muter eux-mêmes pour que l’entreprise puisse les entendre sans parler de les écouter, le véritable changement s’opère pour qui, en fin de compte ?
Ma conviction issue de mon expérience personnelle est que le changement s’opère pour qui agit, et d’abord sur soi. Ce que nous faisons peut nous changer, et ce faisant, peut inciter ou motiver les autres à le faire. Ce que nous disons ne nous change pas, pourquoi changerait-il les autres ?
Ces principes intemporels ne se sont pas créés avec le digital, mais ce dernier les amplifie considérablement au sein des entreprises, car c’est un univers d’expérience et de pratique beaucoup plus que de discours et d’analyses théoriques : mais comment faire, quand un manager ne sait que dire ? Comment changer, quand on l’attend toujours de ses équipes, des autres, mais qu’on ne veut pas changer d’abord soi-même ?
Et surtout, pourquoi le faire, tant qu’on n’y est pas vraiment obligé, tant qu’on n’est pas vraiment au bord du gouffre ? Combien de révolutions n’ont-elles fondamentalement rien changé, et combien de changements d’apparence sont mis en place pour que surtout rien ne change vraiment ?
Je n’ai pas de réponse à vous apporter à ces questions, simplement quelques convictions personnelles et l’envie de susciter cette réflexion en ce début d’année, pour vous souhaiter, chers lecteurs, une introspection honnête et un programme personnel de changement. Le changement pour les autres, laissons-le aux autres… et utilisons le « digital » comme il devrait l’être, un ensemble d’outils, de pratiques et de moyens pour accompagner le changement partagé et durable au sein d’entreprises innovantes et enthousiasmantes dans lesquelles nous avons envie de travailler.
Bonne année à tous !