J’ai eu l’occasion d’assister hier, lors de la journée « Décideurs » des Techdays de Microsoft, à un témoignage assez exceptionnel sur le thème du « numérique au cœur de votre transformation »: celui de Patrick Bérard, DG Europe du Sud de Rexel (société de distribution de matériel électrique, un des leaders du secteur).
Sans angélisme, car on se doute que M. Bérard a de la bouteille et sait bien communiquer, ce témoignage est très intéressant par la réalité concrète qu’il décrit des problèmes et des solutions trouvées, sans jargon de communicant ni idéologie digitale forcenée.
En voici une retranscription exacte ci-dessous, et pour ceux qui préfèrent la version vidéo, c’est la 4ème session du live enregistré.
Quel est l’enjeu de transformation numérique pour Rexel ?
La distribution de matériel électrique a été pendant des décennies une agence en dur et des gens qui viennent et à qui on passe des choses, à travers un comptoir pas très esthétique. Et puis un jour ces gens cherchent autre chose, ils viennent moins, ils téléphonent, ils cherchent des produits sur une base de données, puis tout d’un coup il y a une agence qui ne doit plus être là, qui doit être proche d’eux, disponible, transportable, itinérante. C’est ce sujet-là, l’enjeu de la transformation numérique pour Rexel.
Concernant l’évolution du métier de Rexel du fait du digital, peut-on parler de comptoir numérique ?
Oui c’est indispensable, mais au-delà de ça il y a un problème de fragmentation de l’offre :
Rexel c’est un million de produits et une offre minimum en matériel électrique, 300 000 consommés à n’importe quel moment de l’année sur un territoire comme la France, 62 000 qu’il faut avoir stockés car il faut toujours pouvoir dépanner pour le lendemain matin, et 100 000 lignes de commande reçues tous les jours avant 18h30 qu’il faut avoir acheminées pour le lendemain matin 7h. Donc il y a une notion de service, d’immédiateté, de diversité.
Il faut que vous compreniez notre offre: il y a l’offre industrie, qui est à peu près 30% de notre CA, (automates programmables et des choses de cette nature), 40% c’est ce qui est ici dans ce bâtiment au sens complexe du terme de l’éclairage à la supervision, et 30% de tout ce que vous avez chez vous à domicile qui peut être plus ou moins connecté, intelligent, etc. De plus, nous devons faire face aussi à l’évolution : 15% de nouveautés par an, nous devons faire face à des tas de gens qui vont se balader sur des tas de sites et qui ont plein d’informations alors qu’avant il n’y en avait pas. Ces gens là ils ne vont plus venir devant un comptoir pour nous demander : « et cette pièce là, il y a quoi de mieux, ou qu’est-ce que je fais demain ? » Ces gens-là, ils sont à la limite plus renseignés que nos propres commerciaux sédentaires. Donc ça nous pose un problème d’information, un problème de vitesse, un problème de qualification.
Donc oui, l’agence numérique est nécessaire aux clients, elle est nécessaire à l’interne chez nous, elle est nécessaire au dialogue et il faut qu’on y amène des couches d’intelligence complémentaire au simple dialogue autour d’un produit. Donc l’agence numérique doit être itinérante: j’ai 4000 personnes en commerce, 3000 sédentaires et 1000 itinérants pour faire court, ils doivent avoir la même information, sur l’état de l’art du marché, et sur le client, car le client, autre caractéristique récente, il est nomade. Il est nomade dans la façon d’aller chercher son info, et il est nomade dans la façon de réaliser ses travaux. Un électricien qui venait chez vous, en général il était dans votre quartier. Maintenant, si vous allez sur un site pour trouver celui qui va vous faire les bons travaux, il viendra peut-être de 150 km plus loin. L’agence physique barycentre d’un écosystème, elle n’existe plus que pour 21% de mes commandes ; c’était 90% il y a moins de dix ans.
Cette mutation s’est accélérée les dernières années. On rajoutera un phénomène un petit peu générationnel quand même, où les jeunes aujourd’hui qui sont rentrés dans ce métier, sont tous formés à l’électronique ; l’électrique et l’électronique, ça fait un. A partir de là, ce sont des gens qui pensent configuration. A partir de là, ce sont des gens qui ont besoin de nous voir dans ce monde-là aussi. A défaut, on est « has been ». Ils passeront leurs achats ailleurs. Donc une mutation culturelle, de l’environnement, économique, et de l’information, où les technologies de l’information sont en train de transformer complètement notre métier. Donc ou bien on subissait, à l’instar des anciens droguistes que nous avions tous dans nos quartiers quand on était gamins, on disparaissait, ou on se réinventait. Donc l’agence digitale, c’est le contenu, c’est l’information, et itinérante, et nomade, et bien il fallait la créer. Et ça, je dois dire très franchement, c’était un grand débat, un grand dilemme. On a plein de raisons de ne pas l’avoir, on a plein de raisons de ne pas oser.
Je dois rendre hommage ici à Microsoft qui la première fois qu’on a eu le contact, parce que nous n’aurions, je n’aurais peut-être jamais osé, sans un certain nombre de dialogues avec eux, pour faire les choses pas à pas, brique à brique. Ca ne veut pas dire qu’on n’a pas parallélisé les choses, mais chaque problème pouvait grandir avec l’amplitude. On pouvait se transformer, l’amplitude venant en même temps. Ca c’était quand même quelque chose de nouveau pour moi puisque toute l’approche informatique classique ne répondait pas à mon problème. Toute la vague dite numérique/digitale, bon c’est bien on la regarde mais on se dit « je la prends par quel bout ? » ; donc il nous fallait segmenter, et progressivement monter vers l’agence numérique, vers le contenu mis à disposition et pourquoi, les moyens de faire parler les gens entre eux, parce que ça va bien au-delà, c’est comment on travaille en interne.
Au-delà de l’interne, qu’en est-il de la conquête de nouveaux marchés par le numérique ? Par exemple, dans le métier de Rexel, qu’en est-il de l’ouverture aux objets connectés, ou plutôt de la domotique intégrée ?
Comme toute industrie qui voit arriver l’électronique: l’électronique ou l’électricité, ou en tout cas le signal qui va venir aider à faire « on » et « off », ça nous a amenés à plusieurs choses : l’électronique d’abord, permet aujourd’hui des optimisations (on peut parler d’efficacité énergétique du bâtiment et des politiques associées etc.). L’efficacité ne passe que par le signal. Alors une fois que j’élimine l’efficacité passive, c’est-à-dire isoler un bâtiment, 75% de l’efficacité vient du comportement des usagers. Or les usagers n’ont pas été éduqués comme ça. Donc il nous fallait faire une espèce d’accompagnement, donc il faut que le bâtiment lui-même prenne la main sur de mauvais usages. Donc on peut parler de domotique, mais on peut aussi parler de régulation automatique, de gestion intégrée par rapport à des scénarios de vie et d’usages, etc. Ca c’est la domotique, l’endroit d’ailleurs où c’est le plus avancé, ça reste le bâtiment tertiaire. Demain, dans n’importe quel bâtiment tertiaire, dans une salle de réunion, des capteurs de CO² réguleront et vous diront : « ce n’est pas le chauffage qu’il faut monter ou descendre, c’est la circulation d’air ». A partir de là, vous mettez un régulateur de vitesse ou de CO² et vous avez toujours la même température, qu’il y ait 2 personnes ou 25 personnes. D’où l’usage d’un badge, mais quand je discute avec Microsoft bientôt c’est notre téléphone, qui posé sur la table, dira au capteur « il y a 8 personnes dans cette salle » et ça fera tourner le ventilo convecteur à une certaine vitesse etc. Ce n’est pas de l’utopie, c’est aujourd’hui, ça existe. Ca se place. On vient de refaire notre bâtiment, on a mis ça en place chez nous mais ça peut être chez n’importe qui, même en rénovation.
Donc première chose, on parle, dans notre jargon, de lots qui visent à rendre efficace, par le dialogue, entre un signal numérique d’abord capté, envoyé quelque part, renvoyé, piloté, régulé. Ensuite, dans le résidentiel, bien sûr qu’il y a la domotique, qui était longtemps considérée comme un élément de luxe. Et au passage, ça peut l’être ; celle-ci, je l’appelle la domotique de plaisir. C’est-à-dire la station météo qui baisse vos ouvrants ; c’est peut-être bien dans le sud l’été quand il fait chaud au mois d’août, mais ce n’est quand même pas le quotidien de chacun. Après, vous avez la domotique d’efficacité énergétique, celle qui permet à quelqu’un d’avoir une facture énergétique plus basse. Là, on parle déjà de quelque chose qui devrait se démocratiser assez vite. Vous avez la domotique de sécurité, celle qui permet à des gens, aux personnes âgées par exemple, quand elles posent un pied par terre (on sait tous que c’est la plus grande cause d’accident pour les personnes âgées, quand elles se lèvent la nuit, elles se prennent le pied dans quelque chose) donc là, quand le pied touche le sol, vous avez un détecteur qui déclenche un chemin lumineux etc. Et ces domotiques là existent. Encore une fois, il y a un signal, que le monde de l’électrique jusque là ne pouvait pas exploiter, il n’y avait pas de dialogue entre l’installation électrique et le signal capté, on ne pouvait pas en faire quelque chose. Donc ce sont d’abord ces domotiques là qui se sont développées en premier.
Plus récemment, on voit arriver, et Las Vegas (NDLR : le CES probablement ?) l’a prouvé aussi, l’objet connecté, qui lie le téléphone à une fonction, à l’éclairage, au pilotage à distance d’une chaudière dans une maison de campagne de façon à ce qu’à partir de votre smartphone, faire en sorte qu’il fasse bien vingt degrés quand vous allez arriver vendredi soir même s’il a fait froid toute la semaine. Etc etc.
Tout ceci existe, c’est en plein développement, pour nous ce sont de nouveaux marchés, donc être rentrés dans la transformation digitale pour moi, ce n’est pas juste avoir transformé mon réseau, ou être en cours de transformation de ce réseau, c’est aussi avoir les compétences, le mental et l’approche pour prendre toutes ces applications et être crédibles pour les porter auprès des 122 000 installateurs électriciens en France ou mainteneurs, qui ont besoin de propager ces offres-là, parce qu’en fait, elles sont nécessaires, à l’efficacité énergétique etc. C’est vraiment une mutation du métier, de la filière, de notre rôle dans la filière, et c’est probablement une mutation de l’équation économique de Rexel aussi. Les produits embarquant de l’électronique iront avec plus de fonctionnalités au même nombre d’euros. A l’inverse, le service d’un produit connecté, le service de la maintenance, le service du data, le service de la reprise à distance d’une information domotique etc., sont des marchés nouveaux sur lesquels nous nous positionnons, de façon à faire les mises à jour, les upgrades, la maintenance etc. Donc aussi, ça permet à Rexel de passer de société de distribution de produits à société de recommandation et de distribution de solutions, et à société de maintenance et de conservation du data (avec les critères de la CNIL bien sûr etc.)
Qui a été moteur chez vous de cette transformation ?
Chez Rexel, cette idée de transformation est partie de mon bureau. Pas parce que je suis génial, et pas parce que je n’avais rien à faire. Mais simplement, on me demandait toujours des résultats supérieurs. Et je me disais : avec notre part de marché, notre implantation, notre géomarketing, notre logistique, certes il y a toujours quelque chose à faire mais ça devient asymptotique. Et en même temps, je me suis posé la question : « Qui sont nos clients ? ». Et là, je ne vous le cache pas, avec quelques collaborateurs, j’ai dégagé du temps. Je vais être franc avec vous : 100 jours sur une année, c’est énorme dans la vie d’un DG ; j’ai dégagé ce temps pour aller voir les clients. 100 jours pour revisiter.
Ce qui est très curieux, c’est qu’au bout de 10 jours, vous pensez « Ah ben non, ça me rassure, ils me demandent la même chose… ». Les premiers que vous voyez, c’est ceux que vous avez toujours vus, vous posez les questions que vous avez toujours entendues, et vous avez les réponses que vous avez toujours entendues. Et un jour, je me suis dit (en attrapant un câble), « ce truc là, il ne va plus nous nourrir ! », et donc, comment on va faire ?
Et donc c’est vraiment en allant chercher : « Monsieur, dans 5 ou 10 ans, c’est quoi notre mission, qu’est-ce que vous attendez de moi ? » Il faut du temps, c’est de la mise en confiance, il faut jeter le pavé dans la mare, se mettre en déséquilibre. Ca ressemble à un coureur au départ d’un 100 mètres, si vous stoppez l’image au bout de 2 secondes, il tombe. Il est tout à fait incliné. Et bien c’est la même chose, il faut se mettre en déséquilibre dynamique. C’est-à-dire courir, avancer, ça on se l’est un peu imposé, et on a découvert des avenues de progrès. On a découvert qu’on avait des fausses certitudes, moi le premier, et là on s’est dit : OK. Puis il y a toute une terminologie après. On a commencé à me parler de Cloud (« vous savez, pour moi, Cloud c’est nuageux »), d’énormes bases de données, de systèmes PIM (« je vous ai dit avant le nombre de produits qu’il faut véhiculer à nos clients »), et puis les applicatifs de ceci, et puis les applicatifs d’intelligence de domotique, etc. Donc il fallait mettre tout ça en musique, tout ça en ordre, on a rassemblé tout ça, on a fait un choix, et là je me suis retournée vers mes partenaires, vers Microsoft, et je leur ai dit : « Dites, voilà ces modules, au-delà d’avoir des licences chez vous pour faire de la bureautique, qu’est-ce qu’on peut faire ? » Et ils m’ont beaucoup ouvert les yeux. Parce qu’ils m’ont fait rencontrer, à Londres, leurs partenaires, et surtout j’ai vu des clients. J’ai vu des clients du Retail, j’ai vu des clients, anglais comme Tesco par exemple. Et ces clients m’ont raconté des choses, comme vous ici vous me racontez des choses, et je me suis dit : « Mais attends, le retail, des caissières, des rayonnages, au départ ils en sont là. Toi, tu as aussi des rayonnages, tu n’as pas de caissières tu as des caissiers, ce n’est pas sexiste mais c’est comme ça, et qu’est-ce que tu fais toi ? S’ils l’ont fait, et bien on va le faire. » Et bien entendu, en rencontrant d’autres clients, vous glanez d’autres expériences.
Après, il faut structurer, il faut avancer, et ce n’est pas simple. Et là, j’avais un problème interne : parce que c’est bien quand ça part de votre bureau, mais vous savez ils disent « oui oui là-haut à Paris, ou ailleurs… ». Et là, je me suis retourné et j’ai fait un roadshow, dans mes propres équipes, j’ai fait le Tour de France, j’ai vu 3500 des 5000 personnes qui sont en France, et je leur ai dit : « Je ne peux plus vous garantir du boulot, je peux juste vous garantir de ne plus être obsolètes. Alors, vous embarquez ».
Et depuis, on décline ça en interne : « Jamais être obsolètes ». En disant à tout le monde : si jamais vous avez besoin de repartir, vous ne serez plus obsolètes, vous serez au « state of the art ». Et ça a été le leitmotiv interne qui est venu accompagner tout ça. Aujourd’hui, c’est l’entreprise qui me pousse, ce n’est pas moi qui les tire. Aujourd’hui, on est à 45% de la transformation, par rapport à tous nos projets. J’ai des demandes d’impatience, parce qu’on est obligé de faire le roll-out dans pas mal d’endroits en France, et on me dit « c’est quand, moi ? ». Et on me demande d’accélérer.
Alors, il y a la crise, ça aide. Il y a l’enthousiasme du nouveau, il y a aussi celui qui rentre chez lui, qui a des ados, et qui lui expliquent que ce qu’il vit dans sa vie professionnelle c’est au moins aussi chouette que ce que lui raconte son ado ; phénomène sociologique non négligeable. Parce que pendant longtemps, on apprenait les nouvelles technos dans son milieu professionnel, et elles arrivaient à la maison beaucoup plus tard, ça a été le cas des PC etc, mais aujourd’hui c’est un peu l’inverse. Et quand en responsable de famille vous arrivez devant vos ados et que vous avez un cran d’avance, ça va mieux dans la famille quand même :).
Comment ça se passe en interne, avec les réticences des uns et des autres ? Tout le monde ne s’est pas dit « génial » tout à coup quand même ?
Non, non… Je présente ici une image relativement agréable J. Il y a dans le quotidien, mille et une réticences… mais il n’y a rien de fondamental. Pourquoi ? On a pris chacun dans le fondamental de son métier de base. Prenez un commerçant : il doit vendre. Aujourd’hui, son problème, c’est quoi ? Le rendez-vous : il attend 30 minutes. Le bouchon : il n’arrive pas à l’heure. Le gars, il n’a pas le temps, il n’a pas l’écoute. Donc : Salesforce management tool, on le fait en Dynamics, on a des plages, c’est optimisé. Deuxième chose : il doit amener du contenu. Avant, il amenait un produit. C’était dans le coffre de sa voiture. D’ailleurs on me demandait en général des voitures de plus en plus grandes pour mettre de plus en plus de produits. Là, il a une tablette. Troisième chose : ils partent. Il y a 10% des effectifs qui s’en vont tous les ans. Avant, ils partaient avec l’info. Maintenant, l’info est chez nous, ils partent avec rien. Ce n’est pas neutre. Etc etc. Là je vais toucher à quelques dimensions/objections du commercial, qui avait l’habitude d’exister grâce à ses cartons et à son portefeuille clients : non, c’est celui de la maison. Donc vous remettez un peu l’église en même temps au milieu du village, vous mettez chacun par contre dans la valorisation de son juste rôle, mais c’est vrai aussi des gens du téléphone, qui étaient dévalorisés. C’était des gens qui recevaient des coups de fil pour se faire disputer (pour rester polis parce qu’on est enregistré, ce n’est pas élégant le monde de l’installation électrique, le monde du chantier qui téléphone parce qu’il a une rupture !). Et là vous avez des gens qui tout d’un coup, sont passés d’un téléphone avec un gars au bout, à 3 écrans au bout de leur poste : il y a l’écran de transaction, un écran de saisie qu’on n’a pas changé*. Deuxième écran, un écran de CRM, la vue du client. Un écran en Windows 8 tout de suite parce que compatibilité tablettes pour celui qui est itinérant, et compatibilité portables parce que les chantiers, c’est au 4ème étage d’un immeuble en construction sans électricité, il n’y a que le portable. Et nos gars vont là aussi. Donc la même info chez le sédentaire, le commercial itinérant ou le technicien spécialiste qui accompagne un chantier ; c’était essentiel pour nous. Ca a été aussi un des critères de choix, mais de transformation culturelle. Il n’y a pas celui qui sait et celui qui ne sait pas. Il n’y a pas celui qui téléphone en disant « Ah ben je t’ai pris un rendez-vous faudrait que tu le rappelles pour… », non. Parce que le troisième écran, c’est l’écran de communication ; c’est l’écran qui fait que celui qui était au téléphone avec un litige ou un devis, il a l’info du client et en même temps il a déjà pris le RV pour le commercial pour lui rendre visite, ça va dans Outlook directement et dans le planning etc. Donc les technos de l’info ont amené les gens à retravailler ensemble, transformation culturelle, à être non pas juste en inbound mais en outbound vers le monde extérieur c’est-à-dire nos clients, et au lieu d’être focalisés sur nous-mêmes on s’est refocalisé sur nos 122 000 clients actifs ce qui était essentiel. Chaque client a quasiment un marketing personnalisé de ce fait là, un accueil personnalisé de ce fait là, donc Salesforce management, CRM etc. Ce sont des outils qui font peur, mais quand ça vient au service du fondamental du métier de chacun, ce n’est plus un problème.
Pour boucler cette table ronde, je voudrai vous poser une question peu délicate, mais comme vous nous l’aviez proposé au début j’aimerai vous demander votre âge ?
Ecoutez moi je n’ai pas honte, j’ai soixante ans. Et qu’est-ce que je suis content à soixante ans de faire tout ça ! Alors pour tous ceux qui ont à peu près mon âge, bienvenue au club.
Preuve s’il en était que le numérique n’est pas une question de génération aujourd’hui, mais c’est une question de volonté peut-être, et de culture ?
Attendez, ça fait plus de trente ans que je dirige des boîtes. A chaque fois, tout le monde a fait ce que j’avais déjà fait avant, ou moi j’ai fait ce que quelqu’un d’autre avait déjà fait avant. Donc de toute façon diriger une boîte par les certitudes c’est être copié. Diriger une boîte dans la partie de l’incertitude, dans la partie des nouveautés, dans la partie où les gens hésitent, c’est juste emmener votre boîte dans la pérennité. Donc de toute façon, avoir peur de quoi ? Quelque fois, c’est le pari gagnant, quelque fois, c’est semi-gagnant, c’est rarement perdant. Enfin moi je n’ai pas d’expérience perdante.
*J’ai oublié de dire que Microsoft est la seule société qui ne m’a pas demandé de changer mon ERP. Je n’en avais pas, à l’époque J, pour la taille de ce qu’il aurait fallu. On n’a parlé que d’applications. On a parlé d’autre chose ; on a interfacé, on n’a pas touché à ça. Donc moi j’ai toujours un ERP basique, moteur diesel, le truc qui fait boum-boum-boum, qui enregistre mes 100 000 lignes de commandes, qui facture juste. Plus de développement dessus, de la maintenance, vraiment pas sexy. Pas grave.
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